Gustave flaubert (1821-1880)
L.A.S., Croisset mardi soir [27 octobre 1868], à Ernest Feydeau; 3 pages in-8. Belle lettre sur la préparation de L?Éducation sentimentale.{CR}... «Je passe mon existence à me monter & à me démonter le bourrichon. Après avoir été pendant une semaine et demie, sans dormir plus de cinq heures sur vingt-quatre, je suis présentement affecté de douleurs carabinées à l?occiput. J?ai besoin d?une bosse de sommeil. [...] Je t?avouerai que je ne suis pas gai, tous les jours. Je finis par être fourbu comme une vieille rosse. - D?autant plus que je ne suis pas sans de violentes inquiétudes sur la conception de mon roman ? Mais il est trop tard pour y rien changer !»... Il aura fini dans une huitaine le second chapitre de la dernière partie, et il espère être affranchi du tout, au mois de juillet prochain. Mais il ne recommencera plus à peindre des bourgeois: «Ah ! non ! ah non ! Il est temps que je m?amuse»...{CR}Puis il signale par de grands traits marginaux deux questions auxquelles il voudrait des réponses: «1° Quels étaient en juin 48 les postes de la garde nationale dans les quartiers Mouffetard St Victor & Latin. 2° Dans la nuit du 25 au 26 juin [...] était-ce la garde nationale ou la ligne qui occupait la rive gauche de Paris. Je me suis déjà adressé à pas mal de personnes, & on ne m?a pas répondu. Je reste le bec dans l?eau, avec trois pages blanches»...{CR}Il est allé à Paris pour la première de Cadio [de George Sand et Paul Meurice], mais il croyait Feydeau à Trouville. Il donne des nouvelles de sa mère, puis reprend le récit de ses occupations: «je reste à Croisset où je vis comme un ours. Je deviens d?ailleurs de plus en plus irritable & insociable. Je finirai par ressembler à Marat ! qui est une belle binette, quoique ce fût un rude imbécille. - À mes moments perdus je me livre à l?étude de la Révolution française»...{CR}Correspondance (éd. J. Bruneau), Bibl. de la Pléiade, t. III, p. 814