MILLON - Collection Claude Dityvon, La poésie du regard

mardi 15 mai 2018
Millon 
Expert : Claude Goeury

Les icônes de mai 68 de Claude Dityvon (1937-2008) sont reconnues par un très large public. La maison Millon proposent de découvrir l’œuvre de ce photographe inclassable à travers une vente monographique, mardi 15 mai, de 320 épreuves retraçant l’ensemble de son travail, réalisées de 1967 à 2007 et provenant de sa collection personnelle.

Ce poète du regard nous propose de définir le monde qui nous entoure à travers ses images. Bidonville, Mai 68, l’univers du travail, Dityvon ne s’attache pas à ses sujets. Ils lui servent à établir une vision de ce qui l'entoure où entrent les éléments suivants : l’homme, parfois presque invisible, la composition, les silences, l’irréel, le rêve, la disparition et surtout les harmonies secrètes qui peuvent relier les hommes.

Claude Dityvon construit une écriture visuelle en rejetant l’instant décisif pour atteindre un langage poétique. Il montre l’impalpable et le transpose en opposant et en croisant l’ombre et la lumière, en utilisant les clairs obscures, les flous, les bougés, les décalages, les imprévus. La découverte de la célèbre sculpture de Giacometti, « L’Homme qui marche », l’inspire. Il décide que tout ce qu’il aura à dire par la photographie sera comme « L’Homme qui marche » : celui qui transporte avec lui tout le mystère humain, d’une marche fragile et déterminée à la fois, son torse est droit et s’élève vers le cosmique.

Mai 68

« La rue parlait. Moi, je parle. Et regarder c’est aussi une manière de parler » Claude Dityvon 

La France du Général De Gaulle se soulève. Tensions culturelles, révoltes sociales, mai 68 gronde. Claude Dityvon foule le pavé parisien, son appareil photo au poing. Il fut, aux côtés de Gilles Caron (1939-1970) et de Bruno Barbey (né en 1941), l’un des trois photographes à immortaliser les événements de mai 68. 
Loin du regard du photoreportage mené par Caron et Barbey, qui eux photographient sur le vif une instantanéité, une insurrection, une violence ambiante, une révolution à la manière d’arrêts sur image, Dityvon lui n’est pas dans l’anecdote ni dans le récit journalistique. Il ne mitraille pas les émeutes, il ne cherche pas à réaliser une photographie de presse ou illustrative d’un événement car il n’est pas mandaté – et n’a d’ailleurs vendu à la presse aucune photo à l’époque. 

Il est dans sa propre émotion. Il observe, il ressent, il patiente, parfois longtemps jusqu’à ce que la photo vienne à lui. Dans un climat en pleine effusion, il est libre, il se permet toutes les audaces et photographie sans aucune contrainte. 
Flous, bougés, gros plans, il raconte une histoire, la sienne, désireux d’affirmer un ton, une manière de voir et animé d’une volonté d’établir une écriture visuelle. Ses images sont enveloppées de clair-obscur et son oeil offre une composition parfaite. Chaque prise de vue est une invitation à entrer dans le moment de vie qu’elle illustre. 

Un jeune homme est là, cadré de dos, assis sur une chaise, impassible, auréolé de gaz lacrymogène, les ombres des escadrons des CRS lui faisant face en arrière-plan. Cette photographie insolite prise au coeur des affrontements, au milieu du Boulevard Saint-Michel à 2h du matin est le parfait reflet d’une composition subtile et cinématographique. Il règne dans cette image à l’équilibre exemplaire, une atmosphère intemporelle de chaos, mêlée à une grande sérénité. L’émotion et l’univers poétique si personnel du photographe sont, sur cette épreuve, complètement retranscrits. (Estimation : 1 000/2 000 euros).

Les 71 photographies de Mai 68 proposées à la vente ont illustré le livre publié en 1988, à l’occasion du vingtième anniversaire des événements, aux Editions Carrere/Kian. Les légendes des images ont été confiées au chanteur Renaud. Les épreuves dispersées lors de cette vacation portent pour la plupart ces notes manuscrites.

L’Agence VIVA, laboratoire d’idées

« Disons que par ma manière de photographier, cela faisait que ce n’était pas du photojournalisme et c’est là que j’ai pris conscience que je ne deviendrai pas reporter, que j’avais d’autres choses à dire. Je désirais utiliser ce matériau photographique pour exprimer une pensée, une manière de voir, des intensités du regard…» Claude Dityvon

Dans la veine des bouleversements sociétaux et culturels de « l’après 68 », Claude Dityvon fonde l’agence VIVA, aux côtés de Martine Franck, Guy Le Querrec, Hervé Gloaguen, François Hers, Richard Kalvar, Jean Lattès et Alain Dagbert. Avec un regard novateur, une vision décalée des faits de société, tant sur le plan esthétique du traitement de l’image que par celui de la réflexion, ce collectif de photographes se démarque des agences de presse existantes.

Pendant les années que durera l’aventure VIVA (1972-1982), le photographe posera son regard sur les évènements, les personnes et lieux avec une totale liberté d’esprit. Il réalisera des reportages sur la ville, les familles en France, les immigrés, ou encore le monde agricole, et cherchera à traduire visuellement la complexité du corps, à travers chacun de ses modèles. Des images intenses qui laissent entrevoir la profonde empathie que le photographe ressent pour l’Homme, qu’il place au cœur de son travail.

Parcours

« La photographie est un art intimiste, comme la poésie dans la littérature, un langage une peu abstrait qui demande une disponibilité, un regard ouvert, sans a priori. Le regard d’un enfant » Claude Dityvon

Claude Dityvon voit le jour en 1937 à La Rochelle. Gamin des rues heureux et dégourdi, il évolue dans un environnement populaire et passe le plus clair de son temps à observer ses congénères et à s’imprégner de la vie qui l’entoure. Ces ambiances et ces rencontres influenceront le regard qu’il porte sur la réalité sociale et lui inspireront ses thèmes de prédilection que sont le monde rural, les ouvriers, la ville, avec toujours pour sujet central l’Homme. Depuis son plus jeune âge, Claude Dityvon s’évade du quotidien à travers le cinéma et la poésie, qui sont l’occasion de découvrir un monde plus vaste et lui permettent d’affuter cette sensibilité que l’on retrouve plus tard dans son œuvre.

Peu enclin à se soumettre à l’enfermement d’un métier et d’un statut, il mène une vie de bohème à Paris entre 1962 et 1967, date à laquelle il rencontre son épouse Christiane, qui lui fait cadeau de son premier appareil photo. Avec la capitale pour terrain de jeu, il capture les ambiances des quartiers comme Belleville, photographie les maisons des ouvriers ou encore la Courneuve, un monde oublié qui devient le terrain d’une fabuleuse aventure humaine. Il saisit avec bienveillance et sensibilité ces gens à qui personne ne prête attention et ramène une harmonie douce dans cet univers rude. Des images intenses qui amorcent une quête : celle de cerner l’équilibre fragile de l’Homme et de révéler la poésie qui sommeille en chaque moment, en chaque personne.

À partir des années 1980, il collabore avec Les Cahiers du Cinéma. En 1985, sur un projet appelé « Album de tournages » qui présente la façon d’opérer de dix réalisateurs sur dix tournages différents en France : Claude Chabrol, Maurice Pialat, André Téchiné, Jean-Pierre Mocky, Raoul Ruiz, Manuel de Oliveira, Jacques Demy.

Au fil des années, le photographe jusqu’alors attaché à l’urbanité parisienne et les campagnes paysannes et ouvrières se sent davantage attiré par l’étranger. En 2002 il saisit l’opportunité d’accompagner le géographe Pascal Villecroix lors d’une expédition sur l’île de Zanzibar. Il traduit l’atmosphère insulaire des lieux par des images à la fois feutrées et scintillantes, jouant toujours des lumières et du noir et blanc.

Deux ans plus tard c’est une aventure passionnante - un rêve d’adolescent exaucé - dans laquelle il se lance aux côtés de l’écrivain et historien Claude Jeancolas. Suivre les traces et « approcher » le poète Rimbaud en empruntant le chemin réalisé par sa caravane en 1886 (dans l’actuelle République de Djibouti). Le livre et l’exposition « La caravane Rimbaud » découlent de ce voyage.

Auteur à part entière, inclassable et farouchement attaché à sa liberté, Claude Dityvon a su préserver toute sa vie durant son âme d’enfant et son regard de poète. En marge des courants et des modes photographiques, il a mené son chemin en totale indépendance, toujours en quête, entre ombre et lumière, forces et faiblesses, paradoxes et richesses de la vie. Une vie à écouter, voir, sonder et révéler l’intériorité de chacun et de lui-même.
 
Vente aux enchères publique - Drouot - Salle 9
Mardi 15 mai - 14h

Exposition publique - Drouot - Salle 9
Lundi 14 mai - 11h / 18h
Mardi 15 mai - 11h / 12h


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photographies,Claude Dityvon

Vente : mardi 15 mai 2018
Salle 9 - Hôtel Drouot - 9, rue Drouot 75009 Paris, France
Maison de vente
Millon
Tél. 01.47.27.95.34