DELON-HOEBANX - 124 000 € pour un ensemble de photographies de Marcel Bascoulard

vendredi 18 mai 2018
Un ensemble de photographies réalisées par Marcel BASCOULARD (1913-1978) sur lesquelles l’artistes pose travesti, a été vendu par la maison Delon-Hoebanx 124 000 € (frais inclus). Les 53 clichés, divisés en 27 lots, étaient estimés entre 53 000 et 67 000 €.
 

Marcel Armand Bascoulard, artiste génial, emblématique de la ville de Bourges, marginal à la vie jalonnée de drames, est né le 10 février 1913 à Vallenay, dans le Cher. Second d’une famille de trois enfants, son père, Léon est un modeste entrepreneur en maçonnerie et sa mère Marguerite, née Mulet (nom qu’il associera souvent à sa signature), est femme au foyer. Ecolier passable, il se fait pourtant remarquer pour sa belle écriture, très régulière.

Il quitte l’école en 1930, avec pour seul bagage un brevet élémentaire, et devient Bascoulard « un gars qui ne reconnaît plus personne ». Autodidacte au talent miraculeux, il commence alors à dessiner des rues désertes, des maisons, des devantures de magasins, le plus souvent à l’encre de chine diluée par manque d’argent, énigmatique personnage, abrité sous un parapluie noir.

Il a dix-neuf ans lorsqu’un dimanche d’automne, sa mère, excédée par la violence de son mari, tue ce dernier d’une balle de revolver dans le dos. Elle n’en exprimera aucun regret et confiera : « Ben ma foi, je l’ai tué. On est bien débarrassé ». Bascoulard écrira quant à lui dans un poème à propos de son père : « Quand ce démon rentrait, régnait le silence. Il suintait l’ouragan ».

Certainement pour se rapprocher de sa mère internée à l’hôpital psychiatrique, l’artiste, clochard asocial et excentrique, s’installe alors définitivement à Bourges, dans des abris précaires, des cabanes de jardins, des greniers, un autocar abandonné.

Remarqué par le Directeur de l’école des beaux-arts de Bourges, il est invité à venir y suivre des cours. Mais son tempérament fantasque le détourne des règles du dessin académique, il construit ses œuvres au hasard avec cependant une précision telle que son professeur dira « Bascoulard n’est pas un artiste, c’est un photographe ». En effet, il n’est pas rare de le voir assis face au palais Jacques Cœur, prendre les mesures de la façade avec son fil à plomb et dessiner de mémoire la Cathédrale Saint-Etienne sous les yeux interrogateurs des touristes médusés. Il troque ou vend ses dessins, pour une somme modique, et il lui arrive même de déchirer le billet que lui tend un acheteur estimant que son dessin ne le vaut pas. Dès 1937, son talent est reconnu, certes localement mais certaines de ses œuvres sont visibles à l’Exposition Internationale des Arts et Techniques de Paris.

À partir de 1940, Bascoulard laisse libre cours à son excentricité. Se déplaçant à l’aide d’un tricycle conçu par lui-même, il adopte un vêtement féminin dans sa vie quotidienne. Ainsi, en 1942, il est arrêté par les allemands pour atteinte à la décence publique. En réponse à cette arrestation, on le voit déambuler, quelque temps après, dans les rues de Bourges, vêtu d’une crinoline rose déchirée, un écriteau accroché dans le dos par un collier de ficelle avec cette inscription « J’emmerde la société ».

Ces clichés posés, en tenue féminine, pour lesquels il se prépare soigneusement, Bascoulard s’y livrera jusqu’à la fin de sa vie ce qui lui vaudra de nombreux démêlés avec la police : « J’ai le droit d’enfreindre la loi vestimentaire, et rien, devant la raison, ne m’empêchera de protester visuellement par l’accoutrement féminin ».

Témoin du changement de la ville de Bourges dans les années 50-60, il immortalise les rues et les monuments mais produit également des œuvres abstraites, des poèmes, des dessins humoristiques, des croquis extrêmement détaillés d’invention farfelues ainsi que des cartes géographiques très précises où figurent le moindre petit village, le moindre ruisseau.

À la fin de sa vie, il multiplie les dessins pour assurer sa subsistance et celle de ses chats. Il les réalise de mémoire dans l’inconfort d’une cabine de camion abandonnée où il a élu domicile, souvent de nuit, sans éclairage. Une rumeur le poursuit : on prétend qu’il aurait amassé un pécule important, assez pour exciter la convoitise de jeunes gens sans scrupule. Bascoulard se sent menacé et confie son inquiétude à des proches mais personne ne le prend au sérieux. Le 12 janvier 1978, on découvre son corps, allongé sur le dos devant sa cabane, au bout d’un chemin trempé de pluie. Il est mort par strangulation. Brutalement, la ville de Bourges perd son plus grand artiste.
 
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Delon - Hoebanx

arts décoratifs du XXe, ensemble de photographies de Marcel Bascoulard, mode et accessoires, tableaux modernes et contemporains

Vente : vendredi 18 mai 2018
Salle 4 - Hôtel Drouot - 9, rue Drouot 75009 Paris, France
Maison de vente
Delon - Hoebanx
Tél. 01.47.64.17.80