BINOCHE ET GIQUELLO - Henri Michaux, Max Ernst, Jacques Prévert - Collections René Bertelé et Bernard Loliée

vendredi 22 mars 2019
Vendredi 22 mars, la maison Binoche et Giquello présentera aux enchères un ensemble important d’œuvres sur papier et de livres d’Henri MICHAUX (1899-1984). L’ensemble provient de deux collections : celle de son éditeur d’abord, René Bertelé, qui a soutenu l’artiste tout au long de sa carrière avec passion et détermination, et celle de Bernard Loliée ensuite, collectionneur assidu.
 
Max ERNST (1891-1948)
L’invention ou l’oiseau de l’infini, 1921
Estimation : 80 000 - 100 000 €
Henri MICHAUX (1899-1984)
Le Clown, 1939
Estimation : 40 000 - 50 000 €
Jacques PRÉVERT (1900-1977)
Paradis Terrestre
Estimation : 7 000 - 8 000 €


Claude Oterelo, expert de la vente, précise « La vente d’origine [1997] fut une charge et un bonheur pour Geneviève, la sœur de Bertelé. Cependant, elle fut dans l’impossibilité affective de se séparer des oeuvres magnifiques que l’on retrouve dans la vente d’aujourd’hui. Pour compléter l’hommage à cet humble et grand éditeur, Bernard Loliée nous confie son exceptionnelle collection d’ouvrages d’Henri Michaux qui n’attendait que l’alignement des astres de la collection René Bertelé ».

Les œuvres d’Henri Michaux qui composent la vente incluent des dessins, frottages, aquarelles, gouaches et acryliques, estimés de 5 000 € à 50 000 €. La plupart des éditions originales des livres les plus importants de sa carrière sont enrichies de dessins, aquarelles, gouaches ou encore d’envois autographes à René Char, Paul Éluard, Georges Hugnet, Jules Supervielle et André Gide. Estimées de 1 000 à 40 000 €, ces éditions présentent de magnifiques reliures de Colette et Jean-Paul Miguet, Georges Leroux, Henri Mercher et de Marot-Rodde. La vente compte 80 lots, pour une estimation globale de 700 000 €.

Très jeune, – adolescent associal, angoissé et isolé –, Henri Michaux comprend que le langage altère la pensée et empêche de saisir l’essentiel d’une expérience vécue. Même s’il lit beaucoup pendant ses études chez les jésuites, il s’oriente d’abord vers la médecine à la demande de son père. Au bout d’une année, il abandonne et s’engage comme matelot dans la marine marchande. Il navigue en 1920 et 1921 mais doit débarquer, son bateau étant désarmé.

En 1922, il découvre l’œuvre de Lautréamont, qui lui apporte la liberté et l’étincelle créative pour écrire ses propres poèmes. Il publie son premier poème, Cas de folie circulaire en 1922 dans la revue littéraire Le Disque Vert. Devant le peu d’enthousiasme que suscitent ses publications, Michaux part pour Paris en 1924 où il deviendra le secrétaire personnel de Jules Supervielle. Grâce à cette rencontre, Michaux fréquente le milieu littéraire parisien, dont Jean Paulhan qui l’encourage. En 1927, il publie Qui je fus, un recueil de ses poèmes publiés jusqu’alors. C’est l’époque à laquelle il découvre la peinture, notamment à travers les œuvres de Paul Klee et Giorgio de Chirico. Cette découverte lui ouvre de nouveaux horizons et, largement encouragé par René Bertelé, il commence à composer ses propres œuvres picturales.
 
Henri MICHAUX
ECUADOR. Journal de Voyage.
Paris, N. R. F., 1929.
Estimation : 4 000 - 6 000 €
Henri MICHAUX
Peintures.
Paris, G. L. M., 1939
Estimation : 20 000 - 25 000 €

Outre les poèmes, Michaux rédige deux carnets de voyage : Ecuador, après un voyage en Amérique du sud en 1929 puis Un barbare en Asie, après 8 mois passés en Asie en 1933. Le mélange d’horreur, de cruauté et d’humour, caractéristiques de son art, commence à prendre forme. Parallèlement à un succès littéraire grandissant, Michaux tient sa première exposition picturale en 1937 à la Galerie Pierre. En 1939, il publie Peintures, qui regroupe des poèmes et ses propres dessins abstraits. Et en 1941, Découvrons Henri Michaux, d’André Gide, attira l’attention du grand public sur l’artiste et la lumière sur son œuvre. En 1946, son ami René BERTELÉ (1908-1973), publie sa première monographie pour la collection « Poètes d’Aujourdhui » chez Seghers. Bertelé était le fondateur des Éditions du Point du Jour et publiera en tout, huit ouvrages sur Michaux.

Pendant l’Occupation, il épouse Marie-Louise, qui décède violemment dans un accident domestique en 1948. Cette mort bouleverse Michaux qui se met à peindre plus intensément. Il publie alors la même année Nous deux encore, sur sa relation avec sa femme et les suites de sa disparition.

 
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Henri MICHAUX
MISÉRABLE MIRACLE. La Mescaline.
Monaco Editions du Rocher, 1956.
Estimation : 8 000 - 10 000 €
 
Henri MICHAUX (1899-1984)
Le Clown, 1939
Estimation : 40 000 - 50 000 €
 


 
Au milieu des années 1950 et pendant une dizaine d’années, Michaux essaye de nouvelles voies d’exploration des mécanismes de la conscience humaine grâce aux drogues, notamment la mescaline, d’où naîtront les fameux « poèmes et dessins mescaliniens ».

Michaux est souvent associé au mouvement Surréaliste et, dans les années 1970, il fait l’admiration de la Nouvelle Vague. De son œuvre, écrite, dessinée ou peinte, Michaux obtient une reconnaissance mondiale. Jusqu’à son décès en 1984, il écrit sur ses rêves, rédige des critiques sur l’art des malades mentaux et s’immerge dans la spiritualité orientale, dans laquelle il sera de plus en plus captivé jusqu’à la fin de sa vie.





Les gouaches sur fond noir sont rarissimes dans l’œuvre de Michaux. La vente en compte cinq, exécutées entre les années 1937 et 1939. Voici ce que Michaux exprime, dans Émergences-Résurgences lorsqu’il travaille sur fond noir :

Dès que je commence, dès que se trouvent mises sur la feuille de papier noir quelques couleurs, elle cesse d’être feuille et devient nuit. Les couleurs posées presque au hasard sont devenues des apparitions… qui sortent de la nuit. Arrivé au noir. Le noir ramène au fondement, à l’origine. Base de sentiments profonds. De la nuit vient l’inexpliqué, le non-détaillé, le non-rattaché à des causes visibles, l’attaque par surprise, le mystère, le religieux, la peur… et les monstres, ce qui sort du néant, non d’une mère.

L’une des œuvres les plus connues d’Henri Michaux est Le Clown. Ce dessin issu de la collection de René Bertelé a été exposé à maintes reprises, notamment au musée d’Art Moderne à Paris en 1965, au centre Pompidou en 1976, au Guggenheim de New York en 1978 ainsi qu’à Tokyo au Seibu Museum of Art en 1983. Le Clown illustre un poème éponyme de l’artiste, dont voici un extrait :

Un jour / Un jour, bientôt peut-être. / Un jour j’arracherai l’ancre qui tient mon navire loin des mers. / Avec la sorte de courage qu’il faut pour être rien et rien que rien, je lâcherai ce qui paraissait m’être indissolublement proche. / Je le trancherai, je le renverserai, je le romprai, je le ferai dégringoler / D’un coup dégorgeant ma misérable pudeur, mes misérables combinaisons et enchaînements « de fil en aiguille » … / CLOWN, abattant dans la risée, dans le grotesque, dans l’esclaffement, le sens que contre toute lumière je m’étais fait de mon importance Je plongerai. / Sans bourses dans l’infini esprit sous-jacent, ouvert à tous / Ouvert moi-même à une nouvelle et incroyable rosée / A force d’être nul / et ras… et risible. 

Outre le très bel ensemble consacré à Michaux, la collection de René Bertelé inclut une œuvre exceptionnelle de Max ERNST (1891-1948) intitulée L’invention ou l’oiseau de l’infini. Cette composition de collages et de gouache, illustrée en première page et estimée 80 000 - 100 000 €, a notamment été exposée à New York au MoMA lors de l’exposition Max Ernst : Dada and the Dawn of Surrealism en 1993. Enfin, issus de la même collection, figurent deux célèbres collages de Jacques PRÉVERT (1900-1977) intitulés Paradis terrestre (illustré en première page) et Il est né le divain marquis (estimation : 6 000 - 7 000 €).

 

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Giquello

livres modernes, tableaux contemporains

Vente : vendredi 22 mars 2019
Salle 4 - Hôtel Drouot - 9, rue Drouot 75009 Paris, France
Maison de vente
Giquello
Tél. 01.47.42.78.01