ADER - Redécouverte d'un tableau de Pissarro

vendredi 22 novembre 2019
Vendredi 22 novembre la maison Ader présentera aux enchères une œuvre redécouverte Camille PISSARRO (1830-1903) intitulée Le jardin de Maubuisson, l’Hermitage, Pontoise. Cette huile sur toile peinte vers 1878-80 illustre le dialogue pictural qui s'opère entre Cézanne et Pissarro. Le tableau, grâce aux recherches de la maison de ventes, a aujourd'hui rejoint le corpus officiel des œuvres de Pissarro. Il est estimé entre 100 000 et 120 000 €. 
 

« Après plus d’un an et demi de recherches, nous avons pu démontrer que cette huile sur toile anonyme était bien de Camille Pissarro. Le jardin de Maubuisson, l’Hermitage, Pontoise rejoint donc le corpus officiel des oeuvres du peintre et figurera au catalogue raisonné de l’artiste », révèlent Maîtres David Nordmann et Xavier Dominique en annonçant la date du 22 novembre 2019 pour la mise aux enchères de cette peinture estimée de 100 000 à 120 000 euros à Drouot.

« Il s’agit d’une totale découverte, aucune documentation n’existait sur ce tableau », indique Claire Durand-Ruel, spécialiste et expert de Pissarro. Pour authentifier cette toile anonyme, la maison Ader a procédé à différents examens techniques et scientifiques, ainsi qu’à des comparaisons détaillées avec d’autres tableaux de Pissarro. Ces analyses approfondies permettent aujourd’hui d’officialiser l’attribution de cette œuvre à l’artiste impressionniste.

Une écriture stylistique parfaitement reconnaissable Lorsque Nicolas Nouvelet, responsable du bureau de Neuilly de la maison de ventes Ader, découvre pour la première fois le tableau, encore anonyme, apporté par un client, son intuition l’oriente vers un peintre de grand talent. « J’étais fasciné par la technique parfaitement maîtrisée, par cette succession de micro-touches extrêmement fines et superposées qui créent une véritable harmonie colorée. Rarement je n’avais vu de coups de pinceau aussi précis et minutieux. » Claire Durand-Ruel, qui a donné son accord pour que la toile soit inscrite au catalogue raisonné de Pissarro confirme alors son intuition : il s’agit bien d’une œuvre de Pissarro. « Son écriture, sa manière de peindre, sa touche sont parfaitement reconnaissables », constate l’historienne de l’art.

Pour donner du relief à ses toiles, Pissarro conservait volontairement une infime surface non-peinte autour de certains éléments de la composition (arbres, maisons) pour intensifier les volumes. Ces contours laissés « en réserve » se remarquent facilement sur les radiographies. En négatif, ils apparaissent en effet comme un cerne foncé autour des formes peintes. Le tableau de Pissarro identifié par la maison Ader a donc été soumis à une radiographie qui confirme l’utilisation de contours en réserve : « les mêmes cernes apparaissent, notamment, au niveau des arbres du verger », précise Nicolas Nouvelet.

PONTOIRE, AU BERCEAU DE L'IMPRESSIONNISME

Initié dans les années 1870, l’impressionnisme durera seulement une dizaine d’années. Le tableau présenté aux enchères par la maison Ader ayant été réalisé autour de 1880, il s’inscrit dans cette courte période d’activité du mouvement. Son auteur, Pissarro, est par ailleurs considéré comme l’un des fondateurs de l’impressionnisme. Et Pontoise, le lieu où cette peinture a été réalisée sur le motif, fait partie des sites ruraux de l’Île-de-France appréciés par les peintres impressionnistes. Quant aux petites touches de peinture visibles, au cadrage original et au soin apporté à la restitution de la lumière, tous ces éléments constituent les fondements de ce mouvement pictural antiacadémique.

Artiste prolifique auteur de plus de 1500 œuvres, Camille Pissarro a peint de nombreuses vues de Pontoise, dont un certain nombre sont aujourd’hui exposées au musée d’Orsay. L’institution muséale présente notamment un tableau similaire au Jardin potager à l’Hermitage, Pontoise, qui porte d’ailleurs le même nom. « La comparaison visuelle entre ces deux œuvres de Pissarro laisse apparaître une composition totalement similaire, avec un axe horizontal qui sépare le tableau en une partie basse, la terre cultivée, et une partie haute, les habitations et le ciel. Nous avons pu constater dans l’un et l’autre des tableaux que des couleurs de la partie basse, les couleurs du sol, le « rouge », le « pourpre » et « le violet » étaient reprises dans la partie haute », explique la maison Ader.

Peindre les paysages champêtres de Pontoise et de ses environs permet à Pissarro de représenter le quotidien de la vie rurale. « En regardant attentivement le tableau, on remarque derrière les arbres du jardin une paysanne courbée, certainement occupée à arracher les mauvaises herbes ou à semer cette parcelle laissée en jachère. Cet hommage à l’activité agricole, à la fois discret mais précis, témoigne de l’importance que Pissarro accordait à la valeur travail, constate Nicolas Nouvelet. Quant aux milliers de petites touches de peinture appliquées sur la toile, leur accumulation crée une certaine épaisseur qui n’est pas sans rappeler la terre labourée… »

UNE ILLUSTRATION DU DIALOGUE ARTISTIQUE ENTRE CÉZANNE ET PISSARRO

En 2006, le musée d’Orsay organisait une exposition intitulée « Cézanne et Pissarro 1865-1885 » qui mettait à l’honneur la collaboration artistique entre les deux peintres. Parmi les œuvres présentées figurait une œuvre de Paul Cézanne intitulée L’Hermitage à Pontoise, parfaitement comparable au Jardin de Maubuisson, l’Hermitage, Pontoise. « Ils adoptent exactement le même point de vue. Ces tableaux reflètent le dialogue et l’influence mutuelle entre ces deux artistes », détaillent Maître David Nordmann et Xavier Dominique. L’œuvre présentée par la maison de ventes apparaît comme la parfaite illustration des échanges artistiques entre les deux artistes impressionnistes.

Cézanne et Pissarro se sont rencontrés au début des années 1870 à l’Académie Suisse, un atelier de peinture situé sur l’île de la Cité, à Paris. « Très vite se noue entre les deux hommes une étroite relation d’amitié et de travail. Cézanne trouve chez Pissarro ce même rejet des traditions et de l’enseignement académique qui le caractérise », explique le catalogue de l’exposition « Cézanne et Pissarro 1865-1885 » du musée d’Orsay. En 1873, Cézanne rejoint Pissarro à Pontoise, où le peintre réside depuis un an. « A Pontoise et à Auvers-sur-Oise les deux peintres partagent les mêmes motifs, maisons et rues de village. Ils peignent ou dessinent côte à côte, tout en conservant chacun leur individualité. Pissarro résume tout cela en une formule : «chacun gardait la seule chose qui compte, sa sensation» », poursuivent les commissaires de l’exposition dans le catalogue.

La collaboration entre Cézanne et Pissarro durera plus de 20 ans. « Cézanne demeura 10 ans à Pontoise. Et même lorsqu’il quitta la région parisienne pour s’installer dans le sud de la France, les deux artistes restèrent en contact et continuèrent à travailler par tableaux interposés », précise Nicolas Nouvelet. Une telle proximité entre deux artistes s’avère extrêmement rare dans l’histoire de l’art et constitue d’ailleurs « un cas unique dans l’histoire de l’impressionnisme », souligne le catalogue de l’exposition du musée d’Orsay.
 
Vente aux enchères publique - Drouot - Salle 6
Vendredi 22 novembre - 14h

Exposition publique - Drouot - Salle 6
Jeudi 21 novembre - 11h / 21h
Vendredi 22 novembre - 11h /12h

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Ader

Tableaux impressionnistes et modernes

Vente : vendredi 22 novembre 2019
Salle 6 - Hôtel Drouot - 9, rue Drouot 75009 Paris, France
Maison de vente
Ader
Tél. 01.53.40.77.10