FERRI - Ancienne Collection M.L., l'estampe du XVe au XVIIIe siècle

vendredi 26 juin 2020
Il est des collections qui laissent une empreinte. Le prodigieux ensemble d’estampes réuni par Marcel Lecomte (1914-1996) est sans nul doute l’une d’elles. Cette collection retrace les grandes lignes de la gravure du XVe au XVIIIe siècle, sous le regard aiguisé d’un amateur, marchand d’art et expert renommé des ventes parisiennes des années 1950 à 1980.

Vendredi 26 juin, la maison Ferri dispersera à Drouot ce corpus de 125 lots, composé de planches rares aux provenances prestigieuses, françaises ou internationales, exceptionnellement bien conservées et remarquables par la qualité des tirages. Des épreuves d’Albrecht Dürer, Jacques Callot, Jean Duvet, Jacques Bellange, Claude Gelée dit Le Lorrain, Abraham Bosse, Rembrandt ou Gabriel de Saint-Aubin seront proposées aux enchères. Il y a plus de vingt ans que le marché de l’art parisien n’avait pas connu une telle vente d’estampes anciennes.

Les rapports étroits de la gravure avec les livres qu’elle décore ou illustre impliquent, par définition, des tirages multiples. A contrario, les tirages d’état, qui témoignent des différents stades d’élaboration d’une planche – on parle du premier état, deuxième état, etc. –, sont rares. Ils sont ainsi particulièrement recherchés par les collectionneurs et cet ensemble en est en grande partie constitué.

En lien avec l’évolution de l’art, la gravure a connu de profondes mutations. Elle fut pendant longtemps dépendante de la peinture jusqu’à ce que de grandes personnalités artistiques se l’approprient pour en faire leur moyen d’expression. Quel meilleur exemple qu’Albrecht Dürer ? Jusqu’à la fin du XVe siècle, la gravure sur bois et sur cuivre ne sont encore que des techniques de reproduction de la peinture au service de l’imprimerie. À partir de 1500, l’artiste germanique et théoricien les mène au rang d’art majeur. Insatiable curieux et talentueux imitateur, Albrecht DÜRER (1471-1528) incarne l’artiste humaniste de la Renaissance. Il s’intéresse aux mathématiques. Il étudie la perspective et l’anatomie. Il contemple la Nature pour la restituer avec minutie et retranscrire les variations de la lumière.

Seize estampes de Dürer sont présentées dans cette vente. La Famille du Satyre, exécutée au burin en 1505, appartient jusqu’en 1880 à la collection du comte Octave de Behague (1827/28-1879) qui brille parmi les plus célèbres bibliophiles et iconophiles français. Cette œuvre, au sujet singulier, entre ensuite dans la collection d’Adalbert von Lanna (1836-1909), grand amateur pragois de dessins et d’estampes de la seconde moitié du XIXe siècle. Estimée 35 000 €, il s’agit de la pièce phare de l’ensemble.
 
       

Albrecht DÜRER (Nuremberg 1471-1528)
La Famille du Satyre, 1505
Provenance : Collection du Comte
Octave de Behague (Vente Drouot 1880) ;
Collection Adalbert von Lanna Burin.
Estimation : 35 000 €

Albrecht DÜRER (Nuremberg 1471-1528)
Le Rêve, vers 1500
Burin.
Provenance : Collection Pierre Demany
Estimation : 12 000 €

Albrecht DÜRER (Nuremberg 1471-1528)
La Dame à cheval et le lansquenet, vers 1496-1498
Burin.
Provenance : Collection Pierre Mariette, double de
l’exemplaire de l’Albertina de Vienne
Collection André Hachette.
Estimation : 8 000 €
 
       

Jean DUVET, de Langres, dit « Le Maître à la licorne » (1485-après 1561)
Saint Sébastien, entre Saint Antoine, le premier ermite, et Saint Roch
Gravure au burin.
Estimation : 25 000 €
Les plus anciennes techniques de gravure sont dites « en relief », exécutées le plus souvent sur bois. L’encre portée sur le papier se fixe aux reliefs de la planche et les parties non imprimées correspondent aux parties évidées.

Un magnifique exemple de gravure au burin de Jean DUVET, dit Le Maître à la licorne (1485-après 1561) – en référence à L'Histoire de la Licorne (1560), chef-d’oeuvre de la gravure française du XVIe siècle –, fait partie de l’ensemble. Rare, cette épreuve sur papier filigrané représentant Saint Sébastien, entre Saint Antoine, le premier ermite, et Saint Roch est estimée 18 000 €.

A contrario, l’eau-forte – un nom générique qui regroupe plusieurs techniques de taille – consiste à loger l’encre dans des creux. Le dessin est exécuté à la pointe sur une couche de vernis recouvrant une plaque métallique, le plus souvent en cuivre. Le passage dans un bain d’acide creuse les parties dénudées. Cette technique, empruntée aux graveurs sur métaux du XVe siècle, rencontre de nombreux adeptes au XVIe siècle.

Jacques CALLOT (1592-1635) est l’un des maîtres de l’eauforte. Ce graveur lorrain, comblé de la faveur des princes et très tôt célébré dans la littérature artistique, met au point plusieurs innovations. Il est connu notamment pour son utilisation du « vernis dur ». Emprunté aux luthiers de Florence et Venise, le vernis dur – qui s’oppose au vernis mou – permet aux aquarellistes de poser leur main sur la plaque et leur laisse un délai bien supérieur pour la tremper dans l’acide. Jacques Callot tire également sa notoriété de ses illustrations des Misères de la guerre évoquant les ravages de la guerre de Trente Ans. Parmi les quinze oeuvres de Jacques Callot proposées dans cette vente, deux vues de Paris, souvenirs du séjour de l’artiste dans la capitale en 1628-1630, probablement gravées à son retour à Nancy, offrent des perspectives de la ville vues du Pont-Neuf et du Louvre. Apparaissent déjà la cathédrale Notre-Dame, la Sainte-Chapelle ou encore la Tour Saint-Jacques. Cette paire d’épreuves du deuxième état est estimée 25 000 €.

 

Jacques CALLOT (Nancy 1592-1635)
Les deux grandes Vues de Paris : Vue du Louvre - Vue du Pont-Neuf
Épreuves du deuxième état (sur cinq)
Eau-forte.
Provenance : Collection du Dr. Rossier
Estimation : 18 000 €

Au début du XVIIe siècle, l’activité artistique de Nancy et de la Lorraine connaissent une période faste. Jacques Callot et Jacques BELLANGE (1575-1616) comptent parmi les artistes majeurs de ces régions. Réalisée par ce dernier, l’eau-forte originale représentant Melchior, roi de Nubie, incluse dans cette vacation, met en lumière la virtuosité du graveur. Cette épreuve du premier état, déjà très aboutie, illustre la précision dont fait preuve l’artiste à travers l’expression du visage et le rendu des différentes textures. Elle est estimée 10 000 €.
 

Jacques BELLANGE (Bassigny 1575 - 1616)
Melchior, roi de Nubie
Eau-forte originale. Épreuve du premier état (sur deux).
Estimation : 10 000 €

Le résultat d’une gravure dépend aussi des outils utilisés pour creuser le support. La technique de la pointe sèche – sèche implique qu’il n’y a pas de morsure à l’acide – se caractérise par les « barbes » formées par le dépôt de métal le long des traits creusés. Le métal arraché par une aiguille se dépose de chaque côté de l’incision. Ces crêtes sont conservées – alors que la technique du burin les élimine – et forment une cloison retenant l’encre qui s’imprime plus intensément. Le premier emploi de la pointe sèche remonte au XVe siècle. Albrecht Dürer et Rembrandt VAN RIJN (1606-1669) mènent cette technique au sommet.

Issue de la collection de Sir Edward Astley (1729-1802), réputée pour son ensemble important de gravures de Rembrandt, l’épreuve du premier état (sur cinq) du portrait de Jan Lutma, orfèvre, 1656, sera présentée. Cette épreuve est imprimée avant que soit dessinée la fenêtre qui habillera le fond de la composition finale. Cette feuille entre ensuite dans la collection de Friedrich August II (1729-1802), puis dans la collection d’Adalbert von Lanna (1836-1909). Elle est estimée 18 000 €. Le Metropolitan Museum of Art de New-York dispose d’un tirage du même état qui a également appartenu à Sir Edward Astley (20.46.18).
 
   

Rembrandt VAN RIJN (Amsterdam 1606-1669)
Jan Lutma, orfèvre, 1656
Eau-forte et pointe-sèche. Épreuve du premier état (sur cinq).
Provenance : Collection Sir Edward Astley ; Collection Friedrich
August II ; Collection Adalbert von Lanna
Estimation : 18 000 €

Rembrandt VAN RIJN (Amsterdam 1606-1669)
Jan Lutma, orfèvre, 1656
Version définitive


Les gravures du XVIIIe siècle réunissent, entre autres, des oeuvres de Gabriel de SAINT-AUBIN (1724-1780) et d’Honoré FRAGONARD (1732-1806), ainsi qu’un ensemble d’imageries populaires colorées.

Vente aux enchères publiques - Drouot - Salle 7
Vendredi 26 juin- 14h

Exposition publique - Drouot - Salle 7
Jeudi 25 juin – 11h / 19h



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Ferri & Associés

estampes du XVe au XVIIIe siècle

Vente : vendredi 26 juin 2020
Salle 7 - Hôtel Drouot - 9, rue Drouot 75009 Paris, France
Maison de vente
Ferri & Associés
Tél. 01 42 33 11 24