BINOCHE ET GIQUELLO - Collection nord-américaine d'art précolombien #4

jeudi 18 juin 2020

Experts : Jacques Blazy assisté de Quentin Blazy
 
Le 18 juin, la maison Binoche et Giquello présentera aux enchères la quatrième partie d’une Collection nord-américaine d’art précolombien dont la dispersion a débuté en 2017. Depuis, à chaque session, amateurs et collectionneurs rendent hommage aux œuvres d’art composant cette prestigieuse collection réunie au cours d’une trentaine d’années par un grand mécène new-yorkais, disparu il y a dix ans. Les trois premiers opus totalisent jusqu’à présent 7M€.

Cette quatrième vente est constituée de quatre-vingt œuvres aux formidables pédigrées – provenant d’Amérique du sud, d’Amérique centrale et de Mésoamérique –, dont la plupart ont été acquises auprès de marchands célèbres et au cours d’importantes ventes publiques anglo-saxonnes. Nombre de ces objets ont également été publiés dans des ouvrages de référence et ont été exposés ou prêtés dans de grands musées comme le Metropolitan Museum of Art, le Cleveland Museum of Art, l’Art Institute of Chicago, le Denver Art Museum ou encore l’Art Museum de l’Université de  Princeton. 

L’essentiel de la vente est composé d’œuvres issues de deux grandes cultures, Olmèque et Maya. Pour la première fois la vente abordera la culture Coclé du Panama, très peu connue, presque ignorée, alors que les objets en étant issus sont aussi colorés qu’aboutis.
 
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Masque à l’effigie
du « Monstre-Oiseau »
Culture Olmèque, Las Bocas, Mexique
Préclassique moyen, 900-400 av. J.-C.
Serpentine | H. 15,5 cm
Estimation : 900 000 - 1 200 000 €
Statuette anthropomorphe
Culture Olmèque, Puebla, Mexique
Préclassique moyen, 900-400 av. J.-C.
Serpentine vert foncé | H. 20 cm
Estimation : 350 000 - 400 000 €

Les deux pièces phares de la vente sont toutes deux issues de la culture Olmèque. 

Les Olmèques ont développé, entre 1 200 et 400 avant notre ère, la première civilisation mésoaméricaine. La symbolique et le style dit « Olmèque » ont été adoptés par diverses régions du Mexique, à l’est comme au sud. L’important masque funéraire, exécuté en serpentine venant de la région de Las Bocas au Mexique, daté entre 900 et 400 av. J.-C. et représentant le « Monstre-Oiseau » – créature surnaturelle importante dans les croyances religieuses olmèques – est estimé entre 900 000 et 1 200 000 €. 

D’autre part, une magnifique figurine se tenant debout, en serpentine vert foncé réalisée dans la région de Puebla au Mexique à la même période, montre un homme nu. Les traits de son visage et de son corps incarnent tous les canons de la statuaire olmèque classique : la tête au crâne déformé rituellement, les joues pleines, les lèvres tombantes et un corps puissant et nu. L’estimation de cette étonnante et rarissime statuette est de 350 000 à 400 000 €.


La célèbre civilisation Maya, abordée lors de chacune des vacations, est ici particulièrement illustrée par trois œuvres importantes. Jean-Michel Hoppan, spécialiste d’épigraphie Maya (étude scientifique des inscriptions gravées) et chercheur au CNRS a permis de comprendre, en dehors des critères esthétiques, la fonction religieuse de ces trois pièces hors du commun.
 
Estimation : 60 000 - 80 000 €
aaa Ce petit vase cylindrique, orné de trois êtres surnaturels appelés way en maya, est très représentatif des céramiques dites de style « codex », un type de poteries mayas d’époque classique. Le mot way a dabord été traduit par les espagnols par brujo, qui signifie « sorcier ». En réalité, il correspondrait plutôt à la notion de « double spirituel ». Prenant souvent la forme d’un animal, il représentait la part d’« animalité » qui est en l’homme. De façon inhabituelle, ce gobelet est muni de trois pieds ayant la forme de l’élément distinctif de l’air ou du vent, mais sa particularité est surtout de posséder un double fond. À l’intérieur, ce fond contient de petites billes en terre cuite afin que l’objet puisse également être utilisé comme hochet. 

Les trois figures qui ornent le codex sont des avatars du dieu maya de la mort. Le premier, représenté comme un transi présentant une tête humaine dans une écuelle en bois, est l’aspect Sak Jal Chamiiy. Juste derrière lui, un autre way apparait comme un autre aspect du dieu. Il s’agit de K’ahk’ Ool Chamiiy, le « Mort au « coeur » de feu » qui brandit une hache à double lame qu’il oriente vers lui- même. Devant eux, on reconnaît enfin le way Ch’ak Baah Akan, l’« Akan se coupant la tête », représenté s’auto-décapitant de la divinité Akan (patronne de l’alcool et de l’ivresse).

 
Estimation : 200 000 - 300 000 €
Ce que les mayanistes appellent des « excentriques » sont des objets taillés dans de la pierre volcanique ou du silex. Il ne s’agit pas d’instruments utilitaires mais d’objets qui avaient probablement une destination cultuelle liée aux rituels d’inauguration de constructions. Ils se présentent généralement comme de fines et délicates lames, mais les plus spectaculaires d’entre eux représentent des animaux ou des êtres humains. Parmi ces derniers, les plus grands sont de véritables tours de force techniques. Ils figurent des personnages de l’élite portant de hautes coiffures et ont une base indiquant qu’ils avaient été emmanchés, probablement pour servir de têtes de sceptre à un moment donné. Une autre de leurs particularités est la démultiplication des visages : celui-ci en porte deux. Il semble figurer une tête coupée, présentée dans les mains du personnage. Ce personnage porte au front la double volute au pictogramme du feu et de la fumée, symbolisant le dieu K’awiil – divinité du pouvoir politique. À l’arrière de sa ceinture, il porte un « attirail de dos » (littéralement une « jupe arrière »), qui était une représentation d’un lieutenant des forces cosmiques. Cet élément indique clairement que le personnage figuré par ce « silex excentrique » était un roi.


Cette statuette en céramique, à l’effigie d’un homme assis dans une posture digne de celle d’un yogi indien, semble toutefois représenter un lutteur au repos, tel que paraît l’indiquer le casque amovible dont on peut le coiffer. Des représentations connues depuis près de cinquante ans montrent que ces lutteurs casqués étaient comme des sortes de « gladiateurs », boxant à l’aide de boules en pierre et d’objets tranchants. Ces pugilistes n’ont manifestement pas été une spécificité maya en Mésoamérique, puisque des représentations sont également connues chez les Zapotèques de l’actuel état mexicain d’Oaxaca. Selon une technique plus largement répandue à la même époque chez les Totonaques de l’actuel État mexicain de Veracruz, le  noir des cheveux du personnage a été rendu par application de chapopote (ou bitume mexicain). Son pagne et ses bracelets de cheville à grelots sont, de même, rehaussés d’asphalte noir.
 
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Personnage casqué assis en tailleur
Culture Maya, Petén, Guatemala
Classique récent, 600-900 ap. J.-C.
Céramique brune avec restes de pigments
H. 12 ,4 cm avec le casque
Estimation : 100 000 - 120 000 €


La culture Coclé du Panama, très peu connue, comprend la péninsule d’Azureo et la province de Coclé jusqu’à la zone du canal. Elle est définie par un  style très original de décor polychrome, connu du nom de Coclé. Cette céramique apparaît vers 250 ap. J.-C. avec différents styles, Coclé-Parita, Coclé-Tonosi, Coclé-Conte, Coclé-Maracaras et s’éteint vers 1100 ap. J.-C. 

Les décors des coupes, plats et récipients zoomorphes – parfois anthropomorphes – que l’on connait, obéissent à des règles rigoureuses de symétrie et présentent des constructions très savantes. L’espace disponible est généralement divisé en panneaux remplis entièrement par un motif, dont les lignes principales sont des courbes et des volutes au tracé sûr et élégant, auxquelles s’ajoutent de multiples traits, épines et barbelures. Cette harmonieuse imbrication du souple et du rigide, de l’arrondi et du pointu, font tout le charme de cette peinture, la plus savante et la plus originale, peut-être, de l’Amérique précolombienne. Disposant d’une large palette (noir, rouge brique, violet et éventuellement brun ou rouge foncé), l’artiste Coclé a tracé ses motifs sur le fond clair des bols, des plats parfois montés sur piédouche, des bouteilles, des jarres à col allongé et des vases-effigies, pour ne citer que  les formes les plus classiques. La plupart des céramiques de cette étonnante collection ont été exposées ou présentées en prêt permanent au Museum  of Fine Arts de Houston, au Cleveland Museum of Art, et au Art Museum de l’Université de Princeton. L’estimation de ce rare ensemble est comprise, pour chacune de ces différentes oeuvres, entre 4 000 € et 12 000 €.

 
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Récipient globulaire décoré d’oiseaux
Culture Coclé, Macaracas, Panama
850-1000 ap. J.-C.
Céramique polychrome
H. 21 cm – D. 24,5 cm
Estimation : 8 000 - 10 000 €
Coupe sur pied décorée d’un dragon
Culture Coclé, Macaracas, Panama
850-1000 ap. J.-C.
Céramique polychrome
H. 8 cm – D. 16 cm
Estimation : 8 000 - 10 000 €
Vase en forme de raie
Culture Coclé, Tonosi, Panama
250-500 ap. J.-C.
Céramique polychrome
H. 12 cm – D. 14 cm
Estimation : 4 000 - 5 000 €


 
Vente aux enchères publique - Drouot - Salle 4
Jeudi 18 juin - 16h

Exposition publique - Drouot - Salle 4
Mercredi 17 juin – 11h / 19h
 
 

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Giquello

art précolombien

Vente : jeudi 18 juin 2020
Salle 4 - Hôtel Drouot - 9, rue Drouot 75009 Paris, France
Maison de vente
Giquello
Tél. 01.47.42.78.01