DROUOT
jeudi 06 juin à : 16:00 (CEST)

Collection Jean Roudillon

Ader - 01.53.40.77.10 - Email CVV

Salle 9 - Hôtel Drouot - 9, rue Drouot 75009 Paris, France
Exposition des lots
jeudi 06 juin - 11:00/12:00, Salle 9 - Hôtel Drouot
mercredi 05 juin - 11:00/18:00, Salle 9 - Hôtel Drouot
mardi 04 juin - 11:00/18:00, Salle 9 - Hôtel Drouot
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140 résultats

Lot 11 - Buste reliquaire en noyer sculpté en ronde-bosse, crâne ouvrant et couvercle relié par une charnière en fer forgé. Tête d’homme avec une chevelure à la raie médiane séparant des mèches ondulées tombant en vagues sur les tempes, extrémités en escargot. Visage ovale, aux yeux en amandes, au nez fin, à la bouche entrouverte, barbe bifide aux mèches ondulées et aux extrémités également enroulées. Le col de la chemise est festonné, remontant jusque sous le menton. Ouverture sur le pectoral avec trilobes. Ce buste à l’expression douce et stylistiquement proche des bustes colonais du XIVe siècle, possède quelques anomalies qui permettent de le comprendre comme une œuvre exécutée au XIXe siècle, pour des collections prestigieuses. Le col festonné sous le menton n’est pas du tout dans l’iconographie employé au XIVe et même si les ondulations des cheveux respectent l’esprit gothique, les extrémités des mèches ne sont pas dans l’usage des coiffures de ce type de buste où les cheveux tombent plus librement à l’arrière de la nuque. Dans le style de Cologne du XIVe siècle. Quelques vermoulures, restaurations à la base. H. : 44 cm Provenance : - Collection Marcel Roudillon - Collection Jean Roudillon Exposition et publication : - Le Crâne Objet de culte, Objet d’art - Musée Cantini-Marseille, 13 mars au 15 mai 1972, reproduit n° 11 du catalogue. - Tribal Art-Le Monde de l’Art Tribal N° 4 Hiver 2003, Dossier « à la rencontre des collectionneurs », Jean Roudillon : L’histoire de l’œil jusque dans ses murs, Ph. Pataud Célérier, p. 86.

Estim. 3 000 - 5 000 EUR

Lot 12 - Crâne de phrénologie France, milieu du XIXe siècle. Os naturel et encre de Chine, sur socle moderne. D. : 13,5 x 19 x 13 cm Remarquable spécimen de crâne phrénologique témoignant des différents systèmes élaborés au cours du XIXe siècle en France de cette discipline présentée alors comme médicale. La théorie est fondée à Vienne, à la fin du XVIIIe siècle, par le médecin allemand Franz Joseph Gall (1758-1828). Cette pseudo-science, appelée cranioscopie par son initiateur, prétendait établir, par la palpation de la surface du crâne des zones protubérantes ou bosses, le profil psychologique des individus. Ce crâne calvarium est orné d’une carte manuscrite tracée soigneusement à l’encre de Chine : une soixantaine de zones délimitées par un trait curviligne, dans lesquelles sont inscrits en pointillé des mots associés à des numéros, couvrent la totalité de la voûte crânienne. Cette cartographie du cerveau correspond au système établi par Gall et augmenté par le médecin François Broussais dans les années 1840, soit 38 compartiments correspondant à des « sentiments » et des « penchants » tels que la bonté (n° 24), l’estime de soi (n° 10), ou encore le rêve (n° 29) placé ici au-dessus de l’arcade droite. Ce crâne porte également, sur sa grande aile gauche, la marque du système établi par l’élève et le collaborateur de Gall, le docteur Johann Gaspar Spurzheim (1766-1832). Son système est identifiable par des mots composés avec le suffixe « ité » comme l’agressivité, la combativité et l’approbativité (ou le désir de plaire), penchant qui semble plus présent sur les crânes de femmes. Ce crâne, de belle patine, avec sa délicate graphie parfois estompée, présente des fragilités consolidées par des adhésifs sur la face interne. Provenance Collection Jean Roudillon Références : Spurzheim, Observation sur la phrénologie : ouvrage précédé du Manuel de phrénologie publié par l’auteur, Paris, 1818. | Broussais, Cours de phrénologie, Paris, Baillière, 1836. | L’âme au corps : arts et sciences, 1793-1993. Paris, RMN Grand Palais, 2002, pp. 255 et suiv. | Un crâne calvarium phrénologique est conservé au Musée Crozatier, n° d’inventaire 890.189.

Estim. 3 000 - 3 500 EUR

Lot 26 - Une représentation d’un saint cavalier, probablement Saint Georges, entouré de cinq autres personnages. Le royaume chrétien d’Éthiopie est l’hériter de l’ancien royaume d’Aksum dont les élites s’étaient converties au christianisme au IVe siècle. Ce Saint Georges est entouré d’autres personnages bibliques, tous représentés de face, donc ayant une portée positive par opposition aux personnages représentés de profil dans la tradition de la peinture sacrée éthiopienne, qui se distingue par de nombreuses singularités notamment ses vertus magiques et thérapeutiques. De telles peintures ornaient les murs des églises rondes éthiopiennes. Saint Georges, souvent peint sur sa monture terrassant le dragon, est le saint protecteur de l’église chrétienne d’Éthiopie, véhiculant des valeurs masculines protectrices et guerrières, il était généralement peint sur le mur ouest extérieur du sanctuaire de forme cubique appelé Mäqdäs, et où se placent les hommes lors des offices. On notera ici les reliquats de beaux pigments anciens d’origine, le bleu obtenu à partir du smalt (silicate de potassium) et le minium pour l’orange, pigments d’importations utilisés en Europe depuis la Renaissance, rappelant les très anciens échanges entre l’Éthiopie et l’Europe depuis la première ambassade envoyée par le roi Dawit 1er à Venise le 16 juillet 1402 pour ramener du matériel religieux et notamment des pigments. Éthiopie, fin XVIIIe ou XIXe siècle. Peinture sur toile, remarouflée sur toile et montée sur châssis, usures, manques et restaurations visibles, pigments anciens 130 x 81 cm Provenance : Collection Jean Roudillon.

Estim. 800 - 1 200 EUR

Lot 58 - Un lot réunissant deux anciens labrets. Portés exclusivement par les femmes, et insérés dans la lèvre inférieure, les labrets tels que ces deux très beaux et rares exemplaires, étaient des signes distinctifs bien visibles, contribuant à la beauté mais témoignant aussi de l’appartenance à la noblesse, du rang ou du statut de sa propriétaire. La lèvre inférieure était percée au moment des premières menstruations, et la taille des labrets évoluait en fonction des évènements ou du nombre d’enfants. La matière dans laquelle ils étaient sculptés témoignait de la richesse et contribuait au prestige de sa propriétaire et ainsi de sa famille. La forme de ces deux exemplaires, tous deux d’une magnifique ancienneté, les relie aux cultures dites de la Côte Nord-Ouest englobant les Tlingit Haïda et Tsmishian, et dont les plus beaux masques du XVIIIe siècle ou du début du XIXe siècle témoignaient encore de cette ancienne tradition. Tlingit, Haïda ou Tsmishian, ou Inupiak (Inuit), Côte Nord- Ouest, Canada ou Alaska, U.S.A. Ivoire marin et os de baleine, anciens numéros inscrits à l’encre (RG 1489 et RG 1490), micro-usures, très belle oxydation d’ancienneté, et très belles et anciennes patines d’usage. L. : 5,7 et 5,6 cm Provenance : - Collection Roland Grünewald (membre fondateur de la Société des Océanistes et ancien responsable des collections d’Océanie au musée du Trocadéro) - Collection Jean Roudillon, acquis auprès de ce dernier à Lorient vers 1977.

Estim. 800 - 1 200 EUR

Lot 60 - Une sculpture dite « birdstone », possiblement de la dernière période de la culture dite Mound Builder. Les sculptures « birdstone » restent mystérieuses jusqu’à nos jours. Elles ont été trouvées en grand nombre depuis le Nord-Est dans la province du Nova Scotia au Canada jusqu’aux rives du Mississipi à l’Ouest, témoignant déjà d’une grande popularité à l’époque ancienne, et notamment dans la région des grands lacs. Issues des cultures dites Hopewell ou Mound Builders, ces énigmatiques sculptures en forme d’oiseaux aux yeux souvent protubérant, furent interprétées comme des poignées de propulseur pour la chasse, des ornements de coiffe, ou bien d’autres choses. Elles sont toujours sculptées dans des pierres dures d’exception, veinées ou porphyriques comme c’est le cas ici. Leur plastique extraordinaire, d’une modernité rare et flatteuse, a aussi motivé beaucoup de contrefaçons qui empêchent souvent de garantir leur authenticité en l’absence d’une découverte dans leur contexte d’origine. On peut cependant noter ici la très belle qualité de la pierre d’un type porphyre aux inclusions noires et marbrées, mais aussi le très beau poli de l’ensemble de la surface. Stylistiquement l’exemplaire de la collection Jean Roudillon est comparable à un autre exemplaire très proche provenant de la collection John Wise, elle aussi sculptée dans une pierre de type porphyrique. Époque probable, 1500 à 500 avant J.-C., Michigan ou Ohio (régions des grands lacs,) U.S.A. Pierre de type porphyre à inclusions noires et marbrées, très belle patine polie, une étiquette manuscrite de Jean Roudillon inscrite : Oswego Michigan Mound Builder. L. : 12 cm Voir pour cinq autres exemplaires dans : les collections en lignes du musée du Quai Branly-Jacques Chirac à Paris, dont quatre offerts par John et Dominique de Ménil au musée de l’Homme en 1966, et un provenant de l’ancienne collection D. H. Khanweiler offert par Louise et Michel Leiris. Voir pour l’exemplaire de la collection John Wise dans : vente Loudmer du 5 décembre 1992, lot 226. Provenance : Collection Jean Roudillon (Acquise aux U.S.A. d’après ses notes)

Estim. 2 000 - 3 000 EUR

Lot 61 - Une énigmatique sculpture en forme de perle monumentale. Cette perle monumentale dans la collection Jean Roudillon, qui semble être une des plus volumineuses de son corpus avec une autre de la collection William Spratling de Taxco El Viejo, bien trop lourdes pour être portées, ne seraient pas des objets d’usage ou de façonnage d’après Carlo Gay qui les a toutes deux publiées dans son ouvrage Mezcala, mais des sculptures symboliques d’un usage magico-religieux, donc des sculptures votives. Toujours d’après Carlo Gay d’autres sculptures symboliques ayant des similitudes et ayant d’autres réciprocités à ce corpus existaient aussi dans la culture Olmèque, et seraient ainsi intimement liées à travers l’histoire. D’autres perles comparables, appelées perles de pierre métamorphique, ont aussi été découvertes disposées dans l’offrande 16 de la zone archéologique du Templo Mayor, au sein d’un « cosmogramme », une boîte quadrangulaire où elles symboliseraient les quatre régions horizontales de l’univers. C’est donc beaucoup plus tard, à l’époque des Mexica (anciennement les Aztèques), que l’on redécouvre à nouveau ces perles, qui semblent bien avoir traversé toutes les époques du Mexique préhispanique, ainsi que Carlo Gay le suggérait. Mezcala, région du Guerrero, 300 avant à 300 après J.-C., Mexique Pierre, porphyre vert, petits coups et érosions d’ancienneté, belle surface polie et traces d’oxydation d’ancienneté. Diam. max. : 14, 8 cm Voir : Mezcala Ancient stone sculpture from Guerrero, Mexico Ed. Balsas Publications 1992, p. 204 à 206. Provenance : Collection Jean Roudillon avant 1970 Publication et exposition : Reproduit p. 238 n° 238 dans : Mezcala Ancient stone sculpture from Guerrero Mexico, Carlos Gay et Frances Pratt, Ed Balsas 1992 Exposé et publié en dernière de couverture, catalogue de vente Rennes Enchères du 28 octobre 2018 lot 204.

Estim. 1 500 - 1 800 EUR

Lot 62 - Une statuette classique anthropomorphe et zoomorphe, représentation d’un homme et d’un batracien. Cette statuette, un classique de l’art Colima, et un très bel exemplaire du genre, représente en position assise un personnage masculin sur son séant, les bras et les mains reposant puissamment sur les genoux et à l’expression du visage hallucinée. Une fois couchée elle représente clairement et sans équivoque un batracien, une grenouille. C’est le thème de la transformation d’un individu dans les cultures anciennes dites shamaniques qui est abordé ici, thème souvent trop fantasmé. La prise de champignons (bien connue et souvent représentée à travers les arts Colima) ou d’autres psychotropes hallucinogènes, évidemment sacrée et certainement religieusement encadrée dans ces périodes anciennes, renvoie le patient ou le simple goutteur à sa nature profonde. Les éléments actifs telle que la psilocybine réveillent les connexions ancestrales qui font d’un humain un être de la nature à part entière. C’est donc plus la nature qui règne en nous, et la notion d’un « grand tout » auquel chacun appartient, qu’il faut comprendre ici plutôt qu’une soi-disant transformation shamanique à proprement parler. La prise d’un psychotrope était souvent thérapeutique et encadrée par un shaman dans les cultures indiennes préhispaniques, elle permettait à un être malade psychologiquement de se reconnecter à son environnement social, lui offrant une réelle renaissance, et c’est donc bien une transformation qui pouvait en résulter. Les bufotoxines contenues dans le mucus de certains crapauds et la psilocybine permettent d’accéder à des mémoires profondes et il n’est pas étonnant que le batracien ait été choisi comme thème pour évoquer nos origines. Colima, 100 avant à 250 après J.-C., Mexique Pierre verte mouchetée blanc, petite érosion ancienne au pied droit, très belles oxydations d’ancienneté, et très belle et ancienne patine polie. H. : 7,8 cm Voir pour d’autres très beaux exemplaires p. 164 et 166 dans : Chefs-d’œuvre Inédits Art Précolombien Mexique Guatemala, G. Berjonneau et J.L. Sonnery, Ed. Art 135 1985. Provenance : Collection Jean Roudillon avant 1970

Estim. 1 200 - 1 800 EUR

Lot 64 - Un pendentif modèle de temple miniature tridimensionnel avec une niche et des marches gravées. Les modèles de temple miniature dans la culture Mezcala sont non seulement des objets rituels et de cultes funéraires mais surtout « des symboles exaltants de l’aspiration de l’homme à la vie éternelle » écrit Carlo Gay. Ils sont sculptés, bidimensionnel ou tridimensionnel, dans une grande diversité de pierres dont la calcite, l’andésite, la serpentine, des porphyres, et une pierre marbrée verte et blanche à texture porphyrique comme c’est ici le cas, mais jamais dans la diorite. Comme c’est souvent le cas pour les sculptures d’idoles anthropomorphes Mezcala, mais ici aussi pour ce temple d’après Carlo Gay, la sculpture peut s’adapter à la forme naturelle d’un galet. Ce modèle de temple, d’un type rare, publié par Carlo Gay dans son ouvrage de référence, porte des trous de suspension qui témoigne que ce modèle de temple miniature était aussi un pendentif. Mezcala, région du Guerrero, 300 avant à 300 après J.-C., Mexique Pierre verte et blanche, superbe et ancienne patine polie et importantes traces d’oxydation d’ancienneté H. : 8,2 cm Voir : Mezcala Ancient stone sculpture from Guerrero Mexico, Ed. Balsas Publications 1992, p. 167 à 182. Provenance : Collection Jean Roudillon avant 1970 Publication : Reproduit p. 181 n° 208 dans : Mezcala Ancient Stone Sculpture from Guerrero Mexico, Carlos Gay et Frances Pratt, Ed. Balsas 1992

Estim. 3 000 - 5 000 EUR

Lot 68 - Une figurine votive appelée Tunjo par les Indiens muisca. Les figurines plates Tunjo telles que celle-ci, pouvant représenter différents sujets, étaient enterrées dans des jarres avant une inhumation ou jetées dans des lacs avant l’intronisation d’un nouveau souverain. Trouvées en grand nombre, et présentes aujourd’hui dans de nombreuses collections publiques et privées, ce corpus a longtemps été considéré comme majeur en Colombie du fait de l’importance donnée à cette culture par les chroniques anciennes espagnoles. André Emmerich, un des plus grands experts des arts préhispaniques, nous rappelait avec raison qu’il s’agit d’un style régional finalement assez pauvre si on le compare aux autres cultures et traditions de l’orfèvrerie préhispanique en Colombie. Mais elles constituent un corpus d’objets « malheureusement » mythiques, source des fantasmes et de l’appétit des conquistadors, le fameux mythe de l’or de l’Eldorado. En effet les Indiens muisca longtemps appelés Chibcha du nom de leur groupe linguistique, qui vénéraient un dieu Chibchachun le dieu du commerce autant que celui des orfèvres, constituent la seule culture colombienne décrite en détail par les conquérants espagnols dans les chroniques anciennes. Vivant dans une vallée tempérée, idéale pour l’agriculture, les muisca vivaient au moment de la conquête dans le bassin prospère des hautes terres de Bogota, mais malheureusement encore organisés au moment de la conquête en plusieurs petits états concurrents. André Derain, dont Jean Roudillon fut l’expert de la vente de sa collection en 1955, en possédait une collection entière, et il est possible que ce Tunjo depuis longtemps présent dans la collection de Jean Roudillon, ait pu aussi lui appartenir. Muisca, environ 1000 à 1550 après J.-C., Colombie Tumbaga riche en or (alliage d’or, d’argent et de cuivre). H. : 7,5 cm Voir concernant les figurines Tunjo p. 83 à 88 dans: Sweat of The Sun and Tears of The Moon, Gold and Silver in Pre-Columbian Art, André Emmerich, Hacker Art Book, New York 1977. Provenance : Collection Jean Roudillon avant 1960

Estim. 1 500 - 2 000 EUR

Lot 69 - Une représentation d’un radeau avec un dignitaire assis au centre encadré de quatre autres personnages. C’est Sebastian Mojano de Belalcazar, un des lieutenants de Pizarro, qui entendit à Quito ce récit légendaire d’une cérémonie concernant le seigneur muisca de Guadavita, l’un des plus petits États de Muisca qui avait été absorbé par un plus grand voisin peu avant la conquête espagnole. Le seigneur de Guadavita se targuant, comme les seigneurs incas, de descendre directement du soleil, lors d’un rituel sacrificiel et paré de tous ses bijoux en or, était mené sur un radeau par quatre dignitaires au centre du lac « au sommet de la montagne » où il était saupoudré de poudre d’or, et recevant les rayons du soleil il se tenait droit comme une idole et brillait de mille feux sous les regards de son peuple rassemblé sur les rives du lac. C’est donc cette légende qui motiva Mojano De Belalcazar à se lancer avec deux cents de ses intrépides et rapaces coreligionnaires à la conquête de l’or de l’Eldorado. André Emmerich écrit : « En 1856 un objet en or extraordinaire fut découvert dans le lac de Siecha, longtemps présents dans les collections de musées allemands il fut perdu pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait de cinq figurines de type Tunjo sur un radeau représentant un chef et ses compagnons ». Cela fait évidemment écho à la légende, mais le dessin fait d’après une photo de l’objet en question et qu’André Emmerich publie dans son ouvrage précurseur Sweat of The Sun and Tears of The Moon, Gold and Silver in Pre-Columbian Art (p. 88 fig. 107) ne correspond pas à la description qu’il fait de l’objet, mais à celle d’un dignitaire entouré d’au moins neuf personnages sur un radeau circulaire. Notre radeau en revanche comporte bien cinq personnages, serait-ce le fameux radeau décrit par Emmerich ou encore une autre légende ? Jean Roudillon, amateur d’histoire, ayant certainement suivi cette piste qu’il avait investi, a fait tester ce radeau muisca de sa collection par un laboratoire spécialisé en analyses scientifiques dédiées aux objets d’art, anciens ou supposés l’être. Les résultats de ces analyses ont semblé concordantes avec les techniques de fabrications anciennes d’une pièce authentique et sont décrites ainsi par les personnes qui ont mené cette étude (voir ce rapport d’analyse vendu avec l’objet). André Emmerich nous rappelle que longtemps les filigranes des tunjo ont induit en erreur de nombreux auteurs qui décrivaient mal les techniques de fabrication de ces objets qui sont en fait toujours fondus d’une seule pièce sans ajouts postérieurs de filigranes. Muisca, période présumée 1000 à 1550 après J.-C. (non garantie), Colombie Tumbaga (alliage d’or, de cuivre et d’agent) H. : 4,5 et L. : 6 cm Voir p. 83 à 88 concernant les figurines Tunjo, et p. 88 fig. 107 pour le dessin d’une œuvre du corpus perdu pendant la guerre et à l’origine dans les collections de musées allemands dans : Sweat of The Sun and Tears of The Moon, Gold and Silver in Pre-Columbian Art, André Emmerich, Hacker Art Book, New York 1977 Voir : un rapport d’analyse CIRAM, datant du 02 / 08 / 2018, concordant d’après ses auteurs avec les techniques anciennes de fabrication et compatibles toujours d’après ses auteurs avec l’époque présumée. Provenance : Collection Jean Roudillon

Estim. 1 200 - 1 500 EUR

Lot 70 - Une sculpture représentant une tête de « divinité aux crocs ». L’art lithique est dans son ensemble peu répandu dans l’ancien Pérou hormis dans la culture Tiahuanaco, dans la culture Recuay où il s’est distingué particulièrement, mais aussi à l’horizon ancien ou époque dite formative à travers la grande culture Chavin, étendue sur un très large territoire qui donna naissance à un art original, et qui influencera largement l’art des cultures qui lui succéderont, tel que celui des Mochica. Les divinités aux bouches ornées de crocs apparaissent à cette époque formative sur de nombreuses sculptures, comme des vases en pierre tendre, et malgré l’absence du métal à cette époque, aussi sur les très nombreuses têtes-tenons qui ornaient les murs des édifices religieux, comme le plus fameux d’entre eux le temple de Chavin de Huantar. La tête de divinité aux crocs de la collection Jean Roudillon, en basalte et sculptée par bouchardage, impressionnante par sa présence et son volume, se distingue par son iconographie rare. Son nez busqué qualifiant son caractère anthropomorphe et les stries entre ses deux crocs pourraient représenter le sang du sacrifice qui s’écoule de la bouche de cette divinité. Aussi le style caractéristique du traitement des yeux en cercles concentriques est comparable, même s’il est ici plus soigné, aux yeux de nombreux monolithes de la culture Recuay, héritière de cette tradition de sculpture en pierre. Culture Chavin, horizon ancien, 900 à 400 avant J.-C., Pérou Pierre (basalte), manques coups et accidents anciens visibles, très belle oxydation et érosion d’ancienneté H. : 33 cm Voir p. 6 et 7 pour un vase en pierre et des exemples de têtes-tenon ornées de crocs dans : Inca -Peru 3000 Ans d’Histoire, S. Purini, Musée Royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles, Ed. Imschoot uitgevers 1990. Provenance : Collection Jean Roudillon avant 1970

Estim. 6 000 - 8 000 EUR

Lot 71 - Une sculpture, monolithe anthropomorphe, représentant un personnage jambes croisées les mains reposant sur les genoux et portant une coiffe dite à motif d’ailes. Cette sculpture monolithe de la collection Jean Roudillon fait partie d’un corpus de sculptures bien connues, assez nombreuses, mais très rares dans les collections privées. Une autre de ces sculptures existait cependant dans l’ancienne collection de Joseph Mueller, une très ancienne relation et un client de Jean Roudillon. Perpétuant une tradition de l’art lithique Chavin, aucun de ces monolithes n’a été découvert dans son contexte d’origine, et l’attribution à la culture Recuay de cette tradition de sculptures en pierre l’est de façon arbitraire, même si aucun des spécialistes ayant étudié ces sculptures ne la conteste. On distingue deux grands styles de deux traditions de sculptures qui auraient coexistés s’étalant sur trois périodes. Le style dit de Huaraz dont la présence est signalée dans tout le Callejon de Huaylas et le style dit de Aija, sur le versant occidental de la Cordillera Negra. On notera, malgré l’érosion de la surface de cette sculpture témoignant de siècles d’intempéries, et comme sur l’exemplaire de la collection Joseph Mueller, la présence caractéristique d’une coiffe en bandeau à décor gravé, ainsi que le sexe nettement sculpté et encore bien visible entre ses jambes croisées, dans une posture cérémonielle. Ces personnages énigmatiques, assis jambes croisées ou non, pieds tournés vers l’intérieur ou vers l’extérieur, sculptés nus ou portant écharpes et pectoraux, étaient-ils des gardiens, des représentations d’ancêtres, sculptures votives ou funéraires, leur mystère les accompagne. Recuay, style dit de Aija, intermédiaire ancien 400 avant à 300 après J.-C., Pérou Pierre, oxydation d’ancienneté de la pierre, petits accidents, belle patine et importante érosion d’ancienneté H. : 47 cm Voir p. 4, 5, 100 et 101 dans : Inca-Peru 3000 Ans d’Histoire, S. Purini, Musée Royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles, Ed. Imschoot uitgevers 1990. Voir pour l’exemplaire de la collection Joseph Mueller acquis avant 1952 (inv. 532-54) p. 92 et 93 fig.235 du Vol 2 du catalogue Sotheby’s de la vente de la collection Barbier-Mueller du 22 mars 2013 lot 295. Provenance : Collection Jean Roudillon avant 1960

Estim. 6 000 - 8 000 EUR

Lot 72 - Une fonte représentant un crapaud, probablement un poids pour peser des aliments nourriciers, en rapport avec les motifs ornant son dos. Cet objet rarissime est traversé de part en part verticalement par un canal, qui laisse à penser que cet objet, unique dans la littérature, une fonte pleine, dense et lourde, devait être un poids. De nombreux fléaux de balance pour peser la laine, la coca, et bien d’autres éléments ont déjà été découverts. Une observation minutieuse permet de décrypter, fondus en relief, des motifs de produits agricoles bien connus de l’époque préhispanique au Pérou qui ornent le dos de ce crapaud tels que le maïs, une cucurbitacée et autres courges, des haricots et ce qui semble être une racine de yucca ou un plant de tumbo ou des piments et aussi très probablement des pommes de terre. Le crapaud symbolise l’eau et l’humidité, nécessaire à l’abondance des cultures, et sa représentation avec des cornes et des crocs le relie directement à une divinité. Une divinité en forme de crapaud aux crocs est bien connue à l’époque mochica, mais ce qui ressemble à des crocs pourraient être ici des liens qui ferment la gueule du crapaud. On distingue aussi entre ses pattes sur le flanc gauche ce qui semble être une masse d’arme étoilée qui existait déjà à l’époque des rois Mochica jusqu’aux Inca. Les pattes du crapaud, pourtant bien fondues en trois dimensions, sont conçues en aplats (bi-dimensionnelles), et relient plus certainement cette œuvre rarissime à des cultures autres que la culture Mochica qui était la seule des cultures préhispaniques péruviennes à concevoir l’art de manière réellement tridimensionnelle, et sans recevoir directement ses influences de l’art textile. Le cuivre était dans l’ancien Pérou le troisième métal le plus utilisé. Sa composition diffère selon les périodes, et mélangé à d’autres alliages un bronze riche en arsenic appelé « bronze arsenical » existait mais ne contenant pas d’étain, comme c’est le cas du bronze. Vicus 200 avant à 400 après J.-C., ou Mochica-Wari 600 à 900 après J.-C., Pérou Alliage cuivreux, très belle oxydation verte d’ancienneté, et superbe et ancienne patine d’usage L. : 6,5 cm et H. : 3,5 cm Voir concernant la métallurgie au Pérou p. 127 à 136 dans : Ancien Pérou Vie Pouvoir et Mort, musée de L’Homme, Ed. Nathan 1987. Voir pour des fléaux de balance p. 82 et 83 fig. 30 et 31 dans : La Sculpture en Bois Dans L’Ancien Pérou, André Emmerich, Johann Levy et Sergio Purini, Ed. Somogy & Johann Levy Art Primitif 2006, Paris Provenance : Collection Jean Roudillon

Estim. 2 000 - 3 000 EUR

Lot 73 - Un ornement représentant un personnage portant une coiffe et un bâton, les yeux et les oreilles ornés de coquillages. Ce personnage, un dignitaire ou un guerrier tient ce qui est probablement un bâton de commandement, à moins qu’il ne s’agisse d’une lance ou d’une ancienne masse d’arme. Il est coiffé d’une couronne avec un ornement frontal le rattachant à la noblesse. Souvent ces coiffes, découvertes dans les tombes des rois, notables, prêtres ou autres dignitaires Mochica, étaient ornées au centre d’une tête de hibou ou de chouette ou d’une tête humaine. Cet ornement faisait à l’origine partie d’une coiffe ou d’un manteau funéraire. On notera, au-delà de sa belle patine d’oxydation d’ancienneté verdâtre de cuivre qui recouvre cet ornement, le très beau style en laminé et repoussé d’un grand art Mochica classique, notamment la main droite puissante du guerrier tenant sa lance traitée en facettes géométriques et la main gauche tout en rondeur. Culture Mochica, intermédiaire ancien 100 avant à 800 après J.-C., Pérou Cuivre (ou alliage cuivreux) repoussé, coquillages H. : 5 cm - D. : 7,5 cm Voir p. 148 à 158 pour d’autres éléments en cuivre laminés et repoussés dans Pre-Columbian Art Of South America, Alan Lapiner, Ed. Harry Abrams New York 1976. Provenance : - Ancienne collection galerie Le Corneur Roudillon, 1969 - Collection Jean Roudillon Exposition : Pérou, Trouvaille d’objets en cuivre et argent, Galerie Le Corneur Roudillon, Paris, 9 au 20 décembre 1969

Estim. 800 - 1 500 EUR

Lot 74 - Une perle-grelot en forme de tête, élément d’un ancien collier pour un dignitaire, un prêtre ou un régnant. Les têtes humaines telle que celle-ci et portées en collier semblent correspondre d’après Sergio Purini aux premières images de prisonniers étudiées anciennement à travers les arts de la céramique Mochica, et destinés à être scarifiés. Il est possible que ces têtes, perles-grelot portées en collier, représentent des têtes décapitées, forme de sacrifice répandue chez les Mochica, et dont la pratique du sacrifice humain a été attestée depuis les fouilles menées à Sipan et sur la Huaca de La Luna à Moche. On peut comparer cette petite tête-grelot de la collection Jean Roudillon à une autre tête-grelot également à la coiffure striée, légèrement plus grande (4,5 cm) mais avec des incrustations dans les yeux et la bouche de coquillages et de turquoises, dans la collection Dora et Paul Janssen. On notera que la tête de la collection Jean Roudillon a ses cils et les sourcils bien indiqués de gravures qui rythment tout le contour des yeux. Ces têtes en or, et autres alliages comme l’argent ou le cuivre doré, étaient d’abord laminées puis travaillées en repoussé et soudées pour réunir les deux parties contenant ainsi la sonnaille du grelot. Mochica, intermédiaire ancien 100 avant à 800 après J.-C., Pérou Alliage d’or d’argent et de cuivre, traces d’oxydation d’ancienneté visibles à la commissure de la bouche, du nez, et des orifices H. : 3,3 cm Voir pour la tête grelot de la collection Jansen p. 253 dans : Les Maîtres de L’Art précolombien La Collection Dora et Paul Janssen, Fonds Mercator 5 Continents Musée Royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles 2005. Provenance : - Collection Jean Lions, Saint Tropez - Collection Jean Roudillon (offert par ce dernier)

Estim. 4 000 - 6 000 EUR

Lot 75 - Un bandeau tissé et brodé représentant six personnages, chacun une tête-trophée attachée à la taille ainsi qu’une arme de sacrificateur à leur bras gauche. Le sujet est classique dans la culture Nazca, guerriers armés tenant des têtes trophées, il pourrait s’agir aussi de prêtres sacrificateurs. Ici les personnages sont habillés de ponchos à franges et portent de hautes coiffes telles des couronnes de plumes. Les armes des sacrificateurs attachées par une dragonne et qui pendent de leur bras gauche, répondant à chaque tête-trophée, ressemblent aussi à des oiseaux. Le sens caché, et double des choses, est largement constaté dans les arts anciens du Pérou, et notamment très apprécié dans la culture Wari. Une attention particulière est souvent nécessaire aux différents niveaux de lecture, nous permettant d’entrevoir un peu et nous éclairer mieux, sur la spiritualité subtile des artistes et l’esprit des croyances de ces civilisations passées. Il est délicat cependant d’attribuer avec certitude l’époque et la région d’origine de ce très beau fragment qui faisait probablement partie d’un ancien manteau funéraire ou d’une coiffe tant les styles et les apports successifs d’une culture à l’autre se succèdent et se chevauchent dans les grands arts textiles, qui représentent sans aucun doute un art essentiel et souvent fondateur des arts préhispaniques au Pérou. Nazca ou Proto Nazca, 100 avant à 800 après J.-C., ou Wari 600 à 1000 après J.-C., Pérou Tissus, laine de lama ou d’alpaga, probables petites restaurations, encadré et fixé sous verre. 37 x 13,5 cm (pour le tissage) et 50 x 26 cm (pour le cadre sous verre) Voir : Animal Myth and Magic, Images from Pre-Columbian Textiles, Vanessa Drake Moraga, Ed. Ololo Press 2005 ou Pre-Columbian Art Of South America, Alan Lapiner, Ed. Harry Abrams New York 1976, Voir pour un exemple de motif Wari à double lecture p. 42 et 43 dans La Sculpture en Bois Dans L’Ancien Pérou, André Emmerich, Johann Levy et Sergio Purini, Ed. Somogy & Johann Levy Art Primitif Paris 2006. Provenance : Collection Jean Roudillon avant 1960

Estim. 600 - 800 EUR

Lot 77 - Un mortier conopa représentant un alpaca, pour la préparation de la chaux ou des cendres à destination de la mastication de la coca. Le lama et l’alpaca ont été depuis longtemps domestiqués dans les hauts plateaux et vallées andines (sauf la vigogne et le guanaco restés sauvages), notamment pour leur laine essentielle à la vie dans les hauts plateaux, mais aussi fondamentale à l’économie dans les cultures préhispaniques au Pérou. Ce type de mortier en pierre en forme de lama ou d’alpaca est souvent décrit dans la littérature comme un conopa, mais ce terme décrit en fait des petites sculptures en pierre illustrant la vie quotidienne des incas. Ce type de mortier était assez repandu à l’époque, et celui de la collection Jean Roudillon en est un des plus beaux exemplaires, et constitue un classique de l’art Inca. On notera sous sa base de belles traces profondes de découpes anciennes témoignages des pratiques de son propriétaire à l’époque inca, qui n’enlèvent rien, au contraire, à la beauté de l’objet. Culture, Inca, 1450 à 1533 après J.-C., région de Cuzco, Pérou Pierre noire, anciennes entailles sous la base, usures et petits accidents anciens mineurs, importants reliquats de cendres ou chaux à l’intérieur du mortier, très belle et ancienne patine d’usage H. : 8,2cm. et L. : 13,6 cm Voir pour un autre mortier comparable p. 121 n° 352 dans Ancien Pérou Vie Pouvoir et Mort, musée de L’Homme, Ed. Nathan 1987, ou deux autres très beaux exemplaires dont un très proche n° 38 dans : Peru Sun Gods and Saints, catalogue d’exposition, André Emmerich, New York 1969 Provenance : Collection Jean Roudillon

Estim. 800 - 1 000 EUR

Lot 78 - Une offrande miniature figurine féminine, fonte pleine. Les bras et les mains repliés sur le buste, peignée de longues tresses en deux bandeaux bien distincts séparés au milieu et attachés en bas, cette offrande correspond à un archétype bien établi. Des figurines masculines, respectant aussi un autre archétype, existent aussi. Souvent en argent, creuse ou pleine, plus rarement en or et argent massif comme c’est le cas ici, l’étude de plusieurs groupes de ces figurines miniatures témoigne du fait que leur production devait être parfaitement contrôlée. Ces figurines votives étaient habillées puis étaient enterrées, dans les fondations servant d’offrande et constituant un sacrifice à la construction d’un édifice ou au coin d’un champ pour s’attirer les grâces divines afin d’obtenir de bonnes ou de meilleures récoltes. Culture Inca, 1450 à 1533 après J.-C., Pérou Alliage d’or et d’argent et une faible quantité de fer, usures d’ancienneté et très belle et ancienne patine H. : 3,3 cm Voir p. 306 à 310 pour d’autres exemplaires comparables dans : Inca -Peru 3000 Ans d’Histoire, S. Purini, Musée Royaux d’Art et d’Histoire, Bruxelles, Ed. Imschoot uitgevers 1990. Voir pour l’exemplaire de la collection Joseph Mueller, acquis avant 1952 (inv. 532-51) p. 123 fig.264 du Vol 2 dans : le catalogue Sotheby’s de la vente de la collection Barbier-Mueller du 22 mars 2013 lot 294. Provenance : Collection Jean Roudillon

Estim. 1 500 - 1 800 EUR

Lot 86 - Un masque en « or fétiche » Jean Roudillon dans ses mémoires nous rappelle que Charles Ratton, parmi ses rares écrits, a publié un texte en 1951 dans Présence Africaine intitulé « L’Or fétiche ». Un texte que Pierre Amrouche avait pris en référence à juste titre dans le catalogue de la vente de la collection Vérité où réapparurent cinq de ces masques issus d’un « trésor royal akan », et pour y expliquer la notion d’« or fétiche ». Se rapportant à l’étymologie du mot « fétiche », facticio en portugais traduit « idole sauvage », considéré comme faux par opposition à l’imagerie catholique considérée comme vrai, « l’or fétiche » désignerait donc un or faux car un or à bas titre, et au sujet duquel Charles Ratton citait Willem Bosman dans Voyage de Guinée (traduit du français en 1705 ), ouvrage où apparaissent d’ailleurs pour la première fois les termes « Assiantés » et « Aschiantis », et où l’auteur se plaint des mauvais alliages de métal utilisés par les africains. La redécouverte du masque en « or fétiche » de la collection Jean Roudillon vient enrichir un corpus d’objets rares, fondus dans un alliage d’or à bas titre, de cuivre, d’argent et de fer, dont il y avait cinq autres exemplaires dans la collection Vérité et dont au moins deux provenaient de Madeleine Rousseau, une autre proche de Jean Roudillon. Le masque de la collection Roudillon présente les mêmes défauts de fonte que ceux de la collection Vérité, et se rapproche stylistiquement du plus classique des cinq (lot 142). Ses yeux très bien modelés sont cerclés d’une tresse, il porte une scarification en rectangle sur le front et deux en biais sur le visage, ainsi que des moustaches tressées qui prennent naissance de part et d’autre de sa bouche et cinq tresses de barbe au menton. Ces masques rappellent évidemment le fameux masque en or de la collection Wallace, portrait funéraire issu du trésor du roi Kofi Karikari, témoignant aussi de défauts de fonte. Simple tête, tête trophée, objet d’apparat pour le prestige d’un dignitaire, ou portrait funéraire, nos connaissances restent parcellaires concernant ces objets issus probablement de trésors familiaux où ils étaient conservés dans le Dja. Ce sont les Akan venus du Ghana à la fin du XVIIIe siècle qui auraient enseigné à fondre l’or aux Baoulé à l’époque de la légendaire reine Abla Pokou dont le nom Baoule est à l’origine. L’or est vénéré, craint, et considéré par les Akan comme vivant. « Il se déplace dans le sol, se présente dans l’air sous la forme d’un arc-en-ciel et parle en aboyant comme un chien ». Akan ou Baoulé, Ghana ou Côte d’Ivoire Alliage d’or (8,46 ct) de cuivre d’argent et de fer, fente et défaut de fonte visible, ancienne patine d’usage H. : 12 cm Voir concernant le Dja et l’or akan p. 220 à 245 dans : Corps Sculptés Corps Parés Corps Masqués, Galerie nationale du Grand Palais Paris, Ed. Association Française d’Action Artistique 1989 Voir p. 134 à 139 lots 142 à 146 pour les masques de la collection Vérité dans : Arts Primitifs Collection Vérité, Pierre Amrouche, catalogue de la vente du 17 et 18 juin 2006, étude Enchères Rives Gauche Voir pour le masque de la collection Wallace p. 325 dans : Trésor de Côte d’Ivoire, François Neyt, Ed. Fonds Mercator 2014 Provenance : Collection Jean Roudillon

Estim. 6 000 - 8 000 EUR

Lot 87 - Un pendentif en forme de crocodile filigrané et ajouré. La fonte à la cire perdue et le travail du filigrane atteignent chez les Akan des niveaux techniques au moins à la hauteur du statut social dont jouissait les artisans fondeurs. L’or est sacré chez les Akan, et au-delà son importance politique et économique avec le contrôle des sites aurifères qui étaient exploités par les esclaves, il revêt une grande importance symbolique et religieuse. Les bijoux, bagues, colliers, bracelets et pendentifs, étaient portés lors de grandes occasions par les rois et les notables, et conservés le reste du temps dans le dja. À partir du début du XXe siècle la possession de l’or s’est étendue du pouvoir coutumier à l’individu, qui par ce biais pouvait prouver son ascension sociale. Chez les Ebrié par exemple lors de la fête (andimantchi), le trésor familial et clanique est sorti du dja et exposé aux yeux de tous pendant un ou deux jours dans la cour du patriarche. Les pendentifs, tel que ce très bel exemplaire, étaient accrochés au cou, au bras, dans la coiffure ou même accrochés à un sabre d’apparat, et constituent un art classique de la culture akan. Chaque sujet est porteur d’un symbole, et le crocodile représente la reine mère. Akan, Ghana ou Côte d’Ivoire Alliage d’or (13,07ct) de cuivre et d’argent, accident ancien et petit manque visible. H. : 11,3 cm Voir p. 216 à 223 dans : Corps Sculptés Corps Parés Corps Masqués, Galerie nationale du Grand Palais Paris, Ed. Association Française d’Action Artistique 1989 Provenance : - Collection Roger Bédiat - Collection Jean Roudillon

Estim. 1 500 - 1 800 EUR

Lot 88 - Un pommeau de canne, insigne d’autorité, représentant un personnage important. Représentant un notable, dignitaire assis, ornementé, scarifié au visage, au cou et sur le corps, il tient devant lui par la taille une jeune fille, décrite tantôt dans la littérature soit comme une assistante soit une enfant. Les bras relevés et tenant un objet sur la tête, ici un coffret ou un repose-pieds évoquant la richesse et le prestige, il s’agit bien d’une assistante et aussi d’une enfant. Incarnée par une jeune fille prépubère n’étant pas encore réglée, cette « messagère spirituelle » protège ce dignitaire de la sorcellerie « par la force mystique de sa pureté » et lui ouvre le passage en introduisant la beauté dans les assemblées. Thimothy Garrard nous explique que le couvre-chef, ayant pu contribuer à la confusion et souvent décrit comme un apport occidental ainsi que le traitement des moustaches et de la barbe, est en fait un canotier en paille tressée que les Akyé fabriquaient avant l’arrivée des européens. Il s’agit donc sans aucun doute d’un très ancien chef attié, et non de la représentation d’un portugais ou d’un autre occidental, et certainement le portrait d’un éminent personnage historique ou légendaire dont la mémoire s’est fâcheusement perdue au fil des siècles de l’histoire du peuple Akyé. En effet ce pommeau de canne en ivoire, sans aucun doute le plus ancien d’une série (constituant un corpus d’une douzaine d’œuvres d’après François Neyt), dont la sculpture des différents exemplaires s’échelonne sur plusieurs siècles, est à la source de tous les autres, c’est l’« objet mère ». Ce corpus d’objets bien identifiés, sculptés dans de l’ivoire, et sa typologie si caractéristique, a retenu depuis longtemps l’attention de nombreux spécialistes et historiens de l’art. Sur les trois exemplaires exposés à la Smithsonian de Washington lors de l’exposition Treasures en 2008, datés des XVIIIe et XIXe siècle, et malgré qu’ils soient moins anciens que celui de la collection Jean Roudillon, on retiendra ceux de la collection Laura et James Ross qui constituent une paire homme et femme et viennent ainsi compléter l’information d’un couple et pas uniquement du portrait d’un ancien dignitaire dont ces pommeaux commémorent la mémoire. Il a forcément dû s’agir d’un personnage important, historique ou mythologique, pour que cet archétype serve de modèle à d’autres pommeaux de cannes sculptés sur autant de générations, et une lecture attentive du plus ancien d’entre tous nous permet de lever certains doutes et tenter de remonter le fil de l’histoire. Il n’est pas étonnant que ce pommeau de la collection Jean Roudillon provienne auparavant de la collection de Roger Bédiat, à la source de tellement de chefs-d’œuvre, la plus importante des collections anciennes des arts de la Côte d’Ivoire. Une collection dont Jean Roudillon avait d’ailleurs fait l’inventaire et l’estimation en 1962. Cette sculpture est fascinante à plus d’un titre, sublime de détails et d’ancienneté, elle ne rayonne pas que par sa beauté, elle éclaire le passé et le futur, et fait incontestablement partie des plus beaux joyaux de la collection de Jean Roudillon. Attié (Akyé), Côte d’Ivoire. XVIIIe siècle ou antérieur. Ivoire, importante dessication d’ancienneté de l’ivoire, petit manque visible à la coiffe (casse ancienne) et probable restauration d’une petite casse à l’avant du canotier, légères fentes d’ancienneté, restauration visible d’un petit manque à l’avant de la base du pommeau, sinon excellent état de conservation, superbe et ancienne patine d’usage, présenté sur un socle en pierre rouge. H. : 13,6 cm Voir p. 75, 78-79 et 81 pour trois exemplaires du même corpus dans : Treasures 2008, Sharon F. Patton Brina M. Freyer, Smithsonian – Ed. National Museum of African Art Washington 2008. Voir pour deux autres exemplaires du corpus provenant de l’ancienne collection Joseph Mueller acquis l’un et l’autre avant 1939 et 1942 p. 175 et 176 dans : Arts de la Côte d’Ivoire Tome 2, Ed. Musée Barbier-Mueller, Genève 1993. Provenance : - Collection Roger Bédiat - Collection Jean Roudillon Publications : - Art d’Afrique Noire n° 53 printemps 1985 p. 53 pour une publicité de Jean Roudillon - Tribal Art magazine n° 82, Hiver 2016 p. 43 pour une publicité de Jean Roudillon.

Estim. 30 000 - 50 000 EUR

Lot 89 - Une lance de notable sculptée d’une figure féminine porteuse d’un tabouret. Cette lance cérémonielle, emblème d’autorité d’un chef akyé, est exceptionnelle à plus d’un titre, et constitue un des plus beaux et des plus anciens exemplaires dorénavant connus. Les thèmes qui ornent cette lance, sans aucun doute du XIXe siècle, sont récurrents dans les arts des cultures dites lagunaires, et sont d’ailleurs restés populaires jusque tardivement au cours du XXe siècle dans les arts de cette région. Il s’agit d’une jeune fille, richement scarifiée aux tempes, autour du cou et le reste du corps, et superbement coiffée de tresses et de chignons asymétriques portés sur le côté. Elle incarne l’assistante d’un ancien, portant sur la tête son tabouret autre insigne de son autorité, et introduit la beauté dans les assemblées. Elle symbolise une jeune fille prépubère encore non réglée, elle protège de la sorcellerie son propriétaire, qui tient sa lance devant lui, par la « force mystique de sa pureté ». Plus bas en haut relief est sculpté ce qui est certainement un baril de poudre symbolisant la richesse et la puissance. On doit absolument souligner l’archaïsme et les qualités artistiques de cette œuvre du plus beau style, avec ses yeux aux paupières closes empreints d’une profonde sérénité surlignés par de superbes et grandes arcades sourcilières rejoignant ses scarifications temporales en grains de café et soulignés par des pommettes saillantes finement sculptées, ainsi que la finesse du traitement de ses bras effilés, comme celle du ciselage des gravures qui ornent les tresses ou celles du tabouret sculpté ajouré. On peut aussi se réjouir, une fois n’est pas coutume, que cette lance n’ait pas été tronquée, préservée par ses deux propriétaires successifs qui nous l’ont transmise, elle arrive jusqu’à nous complète, avec ses deux fers. Son style archaïque et sa sublime patine accompagnent sa provenance prestigieuse et rare, celle du Dr Stéphen Chauvet, presque comme une logique. Attié (Akyé), Côte d’Ivoire Bois, fer, fentes d’ancienneté, petits accidents visibles et usures mineures, superbe et ancienne patine d’usage. H. : 146 cm Voir : Arts de la Côte d’Ivoire Tome 1 et 2, Ed. Musée Barbier-Mueller, Genève 1993. Provenance : - Collection du Dr Stéphen Chauvet - Collection Jean Roudillon

Estim. 6 000 - 8 000 EUR

Lot 90 - Une canne d’initié de la société du Poro ou un bâton d’escorte, possiblement la canne d’un chef et personnage historique en la personne du Roi Babemba. D’une plus petite taille que les grandes cannes tefalipitya qui célèbrent le sambali (le champion des cultivateurs) qui sera « récompensé » par une jeune femme non mariée au sommet de sa beauté représentée assise au sommet de ces cannes, la canne senoufo de la collection Jean Roudillon est ornée d’un personnage féminin sculpté en position debout, bien campé, telle une statue déblé. Il s’agit très certainement d’un bâton d’initié de la société du Poro, ou d’un bâton d’escorte dont l’image féminine évoque les pouvoirs surnaturels des femmes, celle des sandobele, les femmes-devins, qui perçoivent les dangers cachés et passent devant pour écarter les sorts jetés par les sorciers. Cette canne magnifique à la patine laquée est d’un grand style ancien, dont les grands bras stylisés aux épaules puissamment arquées et les oreilles sculptées en cylindre renvoient sans équivoque aux plus belles statues Déblé de l’atelier dit des maîtres de Sikasso. Elle a été exposée en 1964 dans trois musées américains lors de l’exposition itinérante Senufo Sculptures from West Africa dont Robert Goldwater, directeur du Museum of Primitive Art de New York, était l’instigateur. La provenance de cette canne, prêtée par la galerie Le Corneur Roudillon à l’époque, la rattache dans le catalogue de cette exposition au Roi Babemba, personnage historique s’il en est au Mali, ayant succédé en 1893 à son frère Tiéba Traoré, quatrième roi de Kénédougou qui avait mené le royaume à son apogée et fixé sa capitale à Sikasso, où il fit notamment construire son palais pour résister aux attaques de Samory Touré. Le roi Babemba Traoré se suicida en 1898 plutôt que d’être pris, préférant la mort à la honte, après avoir lutté contre l’armée colonisatrice. C’est forcément Olivier Le Corneur et Jean Roudillon qui ont transmis cette provenance à Robert Goldwater, une provenance qu’ils avaient acquise avec l’objet. Réelle ou non, Goldwater un homme sérieux et historien de l’art devait considérer cette provenance comme authentique pour la valider et la publier, bien qu’aucun autre document ne puisse en attester réellement. Dans les notes de Jean Roudillon : « Afrique, Côte d’Ivoire, Senufo Canne du Roi Babemba de Sikasso Rapportée par un officier français en1898. Publié fig. 135 dans « The Museum of Primitive Art » par Robert Goldwater, New York, 1964 » Sénoufo, Côte d’Ivoire Bois, fer, oxydation d’ancienneté, usures, petit accident à la pointe du sein droit et une restauration indigène en fer au bras droit, très belle et ancienne patine d’usage. H. : 113 cm Voir pour les statues-pilon déblé de l’atelier dit des maîtres de Sikasso p. 117 à 137 dans : Senoufo Massa et les statues du Poro, Burkhard Gottschalk, Ed. Verlag U. Gottschalk Düsseldorf 2006 Provenance : - Ancienne collection Galerie Le Corneur Roudillon - Collection Jean Roudillon Expositions et publication : - Senufo Sculpture from West Africa, Robert Goldwater, Ed. The Museum of Primitive Art, New York, 1964, p. 90 n° 135 - Senufo Sculpture from West Africa, 1963, exposition itinérante à : - New York, NY The Museum of Primitive Art, du 20 février au 5 mai 1963 - Chicago, IL, Art Institute of Chicago, du 12 juillet au 11 août 1963 - Baltimore, MD Baltimore Museum of Art du 17 septembre au 27 octobre 1963.

Estim. 6 000 - 8 000 EUR

Lot 91 - Une figue équestre senanbele Les représentations de cavalier (senanbele ou tuguble) sculptées en bois ou fondues en métal incarnent des génies de la brousse ndebele, un esprit de la nature ici sur sa monture tel un émissaire. Ces sculptures sont liées aux rites divinatoires. Leur sculpture était ordonnée par le devin, et elles étaient destinées à des autels personnels, mais dans ce cas, pour les sculptures équestres en bois, plus rares, à celui du devin. Le cheval est associé à la vitesse, la dignité, et au prestige, mais aussi à la violence et au désordre « ayant été utilisé à l’époque précoloniale par les guerriers et les voleurs d’esclaves dont les senoufos étaient victimes ». La figure équestre de la collection Jean Roudillon, particulièrement ancienne d’un très beau style archaïque, mérite que l’on évoque ici une notion éminemment importante dans la culture sénoufo, celle de sityi, l’« intelligence créatrice » dispensée par Dieu. Une notion dont l’évocation est d’autant plus appropriée ici que les artistes sénoufos considèrent recevoir l’impulsion, leur inspiration créatrice, directement des esprits de la nature ndebele (génies de la brousse), comme le devin est un medium servant de canal en contact avec les ndebele qui « voient Dieu » et se sert des ndebele comme émissaire. Sénoufo, Côte d’Ivoire Bois, très belle oxydation d’ancienneté, ancienne et très belle patine d’usage. H. : 25 cm Voir p. 30 à 53 pour un chapitre d’Aniata Glaze sur les fondements religieux et métaphysiques des arts sénoufo dans : Arts de la Côte d’Ivoire Tome 1, Ed. Musée Barbier-Mueller Genève 1993 Provenance : Collection Jean Roudillon

Estim. 6 000 - 8 000 EUR

Lot 92 - Un masque Zaouli, l’ancêtre On distingue deux catégories de masques chez les Gouro. D’abord ceux liés aux divertissements, plus profanes, gérés par des associations d’artistes comme le masque Gyela lu Zaouli (Gyela fille de Zaouli) créé dans les années 50, l’art évoluant constamment avec la société, et dont la danse prodigieuse est aujourd’hui connue à travers le monde. Et il y a les masques de traditions anciennes tels que Zaouli, Gu ou Zamble, placés sous la responsabilité d’un lignage familiale, propriété d’un individu précis, associés aux cultes des ancêtres, et nécessitant des sacrifices, nourrissant des « divinités » ou « génies de la nature », pour s’assurer de leur protection. Ces entités spirituelles impliquaient autrefois la notion de transe pour le porteur du masque qui pouvait être rejoint ou « habité » par une de ces entités, et dont les premiers ancêtres du lignage avait fait autrefois la rencontre, d’où le culte qui leur était rendu. Lors de ces transes le masque Zaouli pouvait détecter les sorciers et aussi les chasser, cependant il existe peu d’informations dans la littérature sur la tradition ancienne du masque Zaouli, d’ailleurs assez rare dans les collections européennes. Cependant un consensus existe sur le fait que Zaouli constituerait la force opposée de Zamble, le mari de Gu quand Zaouli n’est pas présent. Zaouli est à l’origine le mari de Gu mais il est avant tout l’ancêtre, et on le rencontre surtout au nord du pays gouro, ainsi que chez les Wan. Décrit et même sculpté aujourd’hui en un masque vilain, les origines du mythe fondateur de Zaouli « l’??ancien » semblent s’??être perdues, pratiques d’??un culte disparu. Sa tradition ancienne fut certainement oubliée au fil de l’??histoire migratoire complexe des Gouro, déjà chassés vers l’??ouest au XVIIIe siècle par les Baoulé qui leur empruntèrent d’ailleurs la tradition des masques, à moins qu’elle ne se soit totalement égarée plus tard, lors de la conquête coloniale durant laquelle les Gouro « résistèrent vaillamment aux militaires qui incendièrent massivement leurs villages ». A ce jour deux beaux masques Zaouli se distinguaient à travers l’histoire des collections et dans la littérature, les deux ayant finalement rejoints deux institutions, un dans la collection du National Museum of African Art à la Smithsonian Institution de Washington, et l’autre à l’Art Institute de Chicago, les deux exposés récemment et reproduits l’un à côté de l’autre, p. 178 dans le catalogue de l’exposition The Language of Beauty in African Art. La découverte de ce chef-d’œuvre, indubitablement le plus ancien et le plus beau d’entre tous, bouleverse les a priori et les idées reçues sur les masques Zaouli, et déclasse de fait incontestablement ceux qui servaient jusqu’à présent de références. Il impose un nouveau standard dans la connaissance du patrimoine artistique ivoirien et gouro en particulier. On redécouvre ici l’origine même d’une ouverture transversale entre les deux plans superposés du masque, une caractéristique des masques zaouli anciens, et un concept sculptural sans doute aussi à l’origine de la création des masques glin du goli Baoule. Aussi le triangle pour l’ouverture de l’œil, ici aux contours blancs la couleur dédiée aux ancêtres, réminiscence dont témoigne le masque des anciennes collections W. Mestach et L. Van de Velde aujourd’hui à la Smithsonian. Une superbe crète à motifs gravés relie la gueule aux crocs acérés du léopard aux élégantes cornes du guib harnaché comme sur le masque de l’Art Institute de Chicago. Mais la notion de caché-montré par deux ouvertures successives sur deux plans superposés pour le regard est ici traitée de manière absolument unique, induisant la narration même de la transe, l’idée d’un être visible en dessous du masque, qui y « habite ». Beaucoup de très anciens masques ont été qualifiés à raison de « masque-mère » par certains spécialistes, et si ce terme a souvent été galvaudé, c’est pourtant bien le cas ici. Les masques les plus anciens tracent les lignes qui définissent l’archétype et serviront de modèles aux générations suivantes, ils sont les détenteurs de secrets et de codes, et portent généralement en eux un langage intrinsèque, une réelle narration. Encore chargé de tout son mystère il nous éclaire pourtant, le plus ancien et le plus beau des masques Zaouli réapparait aujourd’??hui après des décennies. Il ressort non pas d’un bois sacré mais d’un jardin secret, celui de la collection de Jean Roudillon, et même s’il ne peut témoigner totalement de son histoire, il témoigne d’une histoire passée et révolue, il est l’histoire. Gouro, Côte d’Ivoire Bois, polychromie, restauration à une corne (cassée-collée) pièce d’origine, usures, petits manques sur la f

Estim. 150 000 - 250 000 EUR

Lot 93 - Une sculpture enduite de kaolin représentant un oiseau. Cette rare et très belle sculpture est plus certainement un oiseau lumbr, sculpture d’un culte lobi représentant une tourterelle des bois, bien que Jean Roudillon dans quelques rares notes retrouvées dans ses archives concernant sa collection l’attribuât plutôt aux Sénoufo. S’il s’agit d’une sculpture sénoufo elle n’est certainement pas une représentation de l’oiseau mythique porpianong qui en s’autofécondant donna naissance au peuple sénoufo, mais plutôt celle d’une pintade noire liée à la fécondité. Peu importe en réalité, cette sculpture est superbe et d’une incroyable modernité, et si on la regarde attentivement, son enduit de kaolin, patine sacrificielle, témoigne tout comme le bois d’une magnifique ancienneté et d’un caractère traditionnel indubitable. Dans les notes de Jean Roudillon : « Afrique, Côte d’ivoire, Senufo Oiseau mythique en bois recouvert d’une légère couche d’argile blanc Haut : 33,5 cm » Lobi ou Sénoufo, Côte d’Ivoire ou Burkina Faso Bois, patine sacrificielle de kaolin, usures, oxydation d’ancienneté et très belle et ancienne patine d’usage. H. : 33,5 cm Voir : pour un très bel exemplaire d’oiseau lumbr maintenant dans les collections de The Art Institute of Chicago et provenant de l’ancienne collection Thomas Wheelock (inv.2019.716) reproduit dans le catalogue de la vente Sotheby’s Paris du 15 juin 2011 lot 55. Provenance : Collection Jean Roudillon

Estim. 4 000 - 6 000 EUR

Lot 94 - Une statuette féminine d’un atelier de Bombou-toro Portant un labret à l’aplomb de son visage hyperstylisé, et une coiffure formant une crète en une natte tressée tombant à l’arrière, le regard et la présence de cette statuette dogon d’une géniale modernité ne font aucun doute. S’inscrivant dans les styles hiératiques et très synthétiques de Bombou-toro, cette ancienne sculpture dogon inédite, provenant de l’ancienne collection de René Rasmussen, vient compléter un corpus de statuettes rares d’un atelier ayant initié un style aux spécificités très caractéristiques. La plus extraordinaire de ce corpus est sans aucun doute la maternité de l’ancienne collection de Charles B. Benenson offerte par lui au musée de l’Université de Yale. Les genoux sculptés en cylindre font notamment partie des détails parmi les plus emblématiques de cet atelier. D’après Hélène Leloup ces protubérances au niveau des genoux renvoient au mythe fondateur, « les premières créatures humaines avaient des membres sans articulations et elles se sont formées lorsque le forgeron, en descendant du ciel, a eu les bras et les jambes cassés par l’enclume, ce qui a permis aux hommes de travailler », et symbolisent les pierres magiques duge. « Les duges sont placées sur les articulations car c’est le plus important de l’homme. » (Griaule). Comparée à la statuette de la collection C. Benenson, on retrouve au-delà de la même position presque « robotique » ou « cubiste » avec l’angle du coude insistant encore sur l’articulation, et les bras repliés vers l’avant, ainsi que le nez sculpté en flèche, une stylisation des pieds (et l’articulation de la cheville) en triangle qui recouvrent tout le côté du socle. Le traitement des omoplates est comparable et insiste encore sur l’importance des articulations principales, aucun doute qu’il s’agit bien ici d’un art narratif. Aussi, vu de profil on retrouve la même souplesse dans le traitement des jambes et du fessier des statuettes de la collection Jean Roudillon et de celle de la collection Benenson. La patine de la statuette de Jean Roudillon n’est pas suintante comme celle de la collection C. Benenson mais elle témoigne cependant d’une évidente et superbe ancienneté. Dogon, Mali Bois, très belle érosion et fentes d’ancienneté, superbe et ancienne patine d’usage. H. : 37,5 cm Voir p. 130 n° 56 pour la statuette de la collection Benenson dans Close up-Lessons in the Art of Seeing African Sculpture from an American collection and the Horstmann collection, Vogel et Thompson, Ed. The Center for African Art New York 1990 Voir pour une autre statue de bombou toro et commentaires n° 78 dans : Statuaire Dogon, Hélène Leloup, Ed. Hamez 1994 Provenance : - Collection René Rasmussen - Collection Jean Roudillon

Estim. 15 000 - 25 000 EUR

Lot 95 - Un cimier de danse Ci-Wara représentant une antilope et un fourmilier. Nous ne nous attarderons pas trop ici sur les aspects traditionnels qui entourent ces fameuses sculptures, cimiers de danse Ci-Wara, le culte du Jo, et la société secrète du même nom écrite aussi Tyi-Wara. La société Tyi-Wara est une des sociétés intermédiaires après l’initiation, société d’ailleurs plus ouverte et inclusive que les autres sociétés secrètes, intégrant les femmes, et autorisant aussi les enfants à s’en approcher, notamment du fait que la société Tyi-Wara traite essentiellement d’agriculture et que les travaux agraires sont aussi en grande partie réalisés par les femmes. C’est le génie créatif particulier d’un artiste qui retient ici toute notre attention et qu’il faut admirer, comme il avait retenu l’intérêt de Jean Roudillon et de conserver cette œuvre rare en particulier. C’est dans l’ancienne collection de Gaston De Havenon, bien connu pour son goût et sa collection de cimiers Ci-Wara, que l’on retrouve le seul autre cimier Ci-Wara de la même main (ou atelier), publié de nombreuses fois depuis, et qui soit comparable à celui-ci. Cette œuvre avait évidemment retenu l’attention d’un autre grand amateur et sachant, attaché à jamais à l’histoire des connaissances du monde bambara, et à l’origine d’une étude comparative unique de ces sculptures extraordinaires que sont les cimers Ci-Wara, en la personne de Dominique Zahan qui l’avait identifié sous le dessin référencé IM133 dans son ouvrage incontournable : Antilopes Du Soleil. Les différents animaux, porteurs de nombreux symboles, qui inspirent l’artiste dans sa prouesse de sculpter un cimier Ci-Wara, sont ici probablement plus que deux, et si le cimier Ci-Wara anciennement dans la collection Gaston De Havenon est décrit dans un ouvrage comme une antilope (hippotrague noire) et un fourmilier, les cornes du cimier Ci-Wara de la Collection Jean Roudillon, tendues comme des épées, sont plus probablement celles de l’oryx, ayant depuis des décennies disparues du Mali. Bambara, Mali Bois, manques visibles, accidents et restaurations aux cornes (cassées collées) pièces d’origine et restauration d’une boucle (en partie), belle et ancienne patine d’usage. H. : 63 cm Voir pour l’autre cimier Tyi-wara anciennement dans la collection G. De Havenon dans : Antilopes Du Soleil, Arts et Rites Agraires d’Afrique Noire, Dominique Zahan, Ed. A. Schendl, Wien 1980 réf. IM 133 planche 39, et p. 217 n° 201 dans : Bamana The Art of Existence in Mali, Jean Paul Colleyn, Ed. Museum for African Art NY 2001. Provenance : Collection Jean Roudillon

Estim. 8 000 - 12 000 EUR

Lot 96 - Un lot réunissant deux planchettes à décor gravé appelées bongotol (ou mbwoongitwoll). Le matériau qui constitue les planchettes bongotol n’est pas de la terre cuite mais du bois de tukula (ou twool) râpé et mélangé à du sable, formant une patte, un genre de mastic, qui est ensuite modelé et gravé par les femmes avec un roseau effilé. Le bongotol est ensuite séché au soleil et enfin mis près du feu à l’intérieur de la maison. Les bongotol sont offerts aux morts, suspendus aux parois du cercueil, placés sous la nuque comme un oreiller ou sous leurs fesses, ou disposés sur le corps, ce sont des offrandes. Mais ces objets quand ils ne sont pas enterrés sont un signe de richesse. Un aristocrate encouragera ses femmes à en fabriquer pour en avoir d’avance. Ces deux anciens très beaux exemplaires de bongotol provenant de l’ancienne collection de Stéphen Chauvet sont caractéristiques des art des royaumes Kuba avec leurs gravures d’entrelacs, qui d’après Georges Meurant qui en était l’un des grands connaisseurs, « ne supporte pas le vide ». Dans les notes de Jean Roudillon : « Afrique, Kuba du Zaïre, Petit panneau de « velours » moule? dans une pâte rouge Ancienne collection du Docteur Stephen Chauvet » Kuba, République Démocratique du Congo Mastic de bois de tukula râpé mélangé à du sable, petits accidents mineurs, très belles et ancienne patine d’usage. H. : 26 et 22 cm Voir p. 15 n° 63 pour un exemple d’une autre planchette bongotol dans : Art Kuba, Crédit Communal, Georges Meurant, 1986. Provenance : - Collection du Docteur Stéphen Chauvet - Collection Jean Roudillon

Estim. 300 - 500 EUR

Lot 97 - Une figure de reliquaire mbulu ngulu. Aussi appelée mboy ou omboye en pays Kota, la figure de reliquaire de la collection Jean Roudillon est un superbe exemple classique de l’art des Kota Obamba ou Bawumbu. Présentant un visage aux volumes concaves et convexes, utilisant deux couleurs de métal, cette figure de reliquaire vient enrichir le corpus entrant dans la catégorie numéro neuf selon la classification de l’ouvrage de référence dit « le Chaffin » L’Art Kota Les Figures de Reliquaire, et dont on retient un exemplaire assez proche dans les collections du British museum de Londres et aussi le fameux kota aux yeux ronds de la collection Barbier-Mueller. Ici la bouche ouverte très expressive, comme chantante, est ornée de petits points sur tout son contour, et de la même manière sur l’ensemble du pourtour sur le croissant et les ailettes. à l’arrière le losange est sculpté avec souplesse et traversé d’une barre verticale sculptée en relief, légèrement convexe, témoignant aussi d’un très beau style ancien. Jean Roudillon, très attaché à cette œuvre qui provenait de l’ancienne collection Albert Sarraut, avait commandé à Louis Perrois une étude pour cette superbe figure de reliquaire que les connaisseurs savent d’un style ancien, même archaïque, et de surcroît ici très bien conservée. L’étude de Louis Perrois, très bien documentée, compare cette œuvre à d’autres figures de reliquaires dans les anciennes collections de Paul Guillaume, Helena Rubinstein, Arman, Madeleine Rousseau ou George Gershwin. Dans les notes de Jean Roudillon : « Afrique, Gabon, Kota Figure reliquaire en bois recouvert de feuilles de laiton et de cuivre. Ancienne collection Albert Sarraut, ministre des Colonies d’un gouvernement de la IIIe république. Exposé à l’international sporting club de Monte Carlo, Antiquaires et Galeries d’Art du 25 juillet au 11 aout 1975 et reproduit au catalogue p. 73 ». Kota Obamba ou Bawumbu, Gabon Bois, laiton, cuivre rouge, usures et érosion d’ancienneté, très belle et ancienne patine d’usage. H. : 37 cm Voir p. 146 à 158 pour la catégorie 9 dans : Art Kota Les Figures de Reliquaires, Alain et Françoise Chaffin, Ed. Chaffin Meudon 1979 Voir : une étude de Louis Perrois commandée par Jean Roudillon et remise à l’acquéreur. Provenance : - Collection Albert Sarraut (collecté dans les années 1920) - Collection Jean Roudillon (acquis à Paris dans les années 1950) Exposition et publication : Première exposition internationale des antiquaires et des galeries d’art, Sporting Club de Monte Carlo, du 25 juillet au 11 août 1975, reproduit au catalogue p. 73.

Estim. 40 000 - 60 000 EUR

Lot 98 - Un sifflet orné d’un charme nsiba représentant un couple enlacé sur un lit. Associé au culte Nkisi dans la région du Bas-Congo et relatif à la chasse, ces petites sculptures appelées nsiba que l’on retrouve chez les Woyo, Sundi, Kongo, Vili, Yombe, mais aussi les Bwendé ou les Lumbu, consistent en la poignée d’un sifflet aux pouvoirs protecteurs des chasseurs. Retrouvés aussi dans l’attirail du nganga, guérisseur et devin, ces objets qui pouvaient représenter une multitude de scènes ou de sujets différents (personnages debout ou accroupi, animaux, maternités, scènes d’accouplement, ou masque), avaient aussi des vertus thérapeutiques. Généralement percé d’un trou à la pointe de la corne d’antilope qui constitue le sifflet du chasseur, et qui permet de l’attacher à une cordelette qui la relie et traverse la sculpture, la corne d’antilope présente ici n’est pas nécessairement le sienne bien qu’elle soit percée mais du côté de son ouverture. Quand on regarde attentivement ce superbe nsiba Bakongo, inédit à ce jour, on ne peut que constater qu’il s’agit bien d’un art, et même conceptuel. Le couple regarde vers l’extérieur le spectateur qui les scrute, sculpté verticalement, mais le couple est bien allongé sur un lit en bois finement sculpté, donc horizontalement. Comme les rébus sur les couvercles taampha des woyo, les scènes représentées sur ces poignées de sifflet peuvent représenter des proverbes impliquant la sagesse. Concernant les scènes d’accouplement, Bertil Söderberg cite à juste titre, dans son article de référence sur les sifflets sculptés du bas-congo, ce proverbe : « bana i mbongo » les enfants sont la richesse. Woyo, Sundi ou Kongo, République Démocratique du Congo Bois, corne d’antilope, usures, deux fentes d’ancienneté mineures, petits accidents mineurs à la base, superbe patine d’usage. H. : 7,6 cm (sans la corne d’antilope) et 16 cm au total. Voir p. 35 n° 9 pour un autre sifflet dans l’ancienne collection Arman avec une scène d’accouplement assez proche mais moins détaillée, et p. 25 à 44 pour l’article entier de Bertil Söderberg traduit de l’anglais par Raoul Lehuard dans : Arts D’Afrique Noire n° 9, printemps 1974. Provenance : Collection Jean Roudillon

Estim. 4 000 - 6 000 EUR